lundi 15 février 2016

Le testament de Mathias Richard


"Testament" par Mathias Richard (texte, voix, image)


***


TESTAMENT



Ma fille, mon fils, mon enfant.

Je vais bientôt partir. 

Avant cela,
je voudrais te donner quelque chose.



Je te lègue 
ma respiration.

Je te lègue 
mon souffle.

Je te donne 
mon sang.

Je te donne 
mes pensées.

Je te donne 
mon intensité.

Je te passe 
mon feu.

Je te passe 
ma flamme.
Porte la haute s'il-te-plaît.

Je te donne ma merde aussi. 
Débrouille-toi avec, fais-en quelque chose. 



Je te lègue tout ce que je peux donner, c'est-à-dire très peu. Je te lègue, le peu que je peux donner : ma voix, ma vie, mes rêves.
Fais-en ce que tu veux.
Piétine-les si tu veux.
Mais garde-les dans un coin,
pour quand tu en auras besoin.

Tu vas être seule, très seule. Aussi seule que je l'ai été, aussi seule que d'autres le seront.
Il faudra que tu sois forte, que tu sois fort. 
Je te lègue une petite pensée, une sorte de petite lumière dans un petit coin, une intensité, une direction, quelque chose à quoi se raccrocher, comme une certitude, un angle, une torsion dans le corps et le regard.



Il n'y aura que toi 
à un moment.

Personne ne t'aidera.
Cela sera uniquement
sur toi.

Tu ne pourras compter que sur toi.
Tu devras 
traverser.



Je compte sur toi
pour être fier,
pour porter le feu,
pour porter la flamme,
même dans les années noires,
même à travers les siècles et les millénaires sombres et sans lumière,
je compte sur toi pour porter le feu, le plus que tu peux,
le plus haut que tu peux,
le plus loin que tu peux,
et le passer aux autres,
et le passer après.



Je te passe
mon souffle.

Je te passe 
mon intensité.

Je te donne         
mon imagination, mes idées.

Je te lègue mes muscles, tout ce qu'il y a dedans.

Je te lègue mon énergie, ma chair, ma parole.

Je te donne
quelques mots.

Je te donne
une impulsion.

Je te lègue
une danse.



Je serai toujours là.
Pour toi.
Même quand je ne serai pas.
Je serai cette petite pensée, ce petit souvenir, une sorte de petite lumière dans un petit coin,
ce petit quelque chose 
qui te rappellera 
que tu es beau, et que tu es belle,
et que tu peux, et que tu sais.


N'oublie pas,
même quand tu es au fond :

tu es

la vie

l'espoir

un pont vers plus loin

vers plus loin que toi

vers plus loin que moi

un pont vers le présent.


Je t'aime.

Maintenant je te dis adieu.




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