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samedi 15 février 2014

[1.2 – alpha-test] Floutage (part.2/2)


Vision atomique / Désintégration des contours / Musiques drone
Nous avons été trop habitués à « voir » des surfaces et des contours. Inconsciemment, nous discrétisons le flux continu du réel (live stream de stimuli) que nous percevons en objets et délimitations. Nous apposons ce modèle séculaire, à la fois initiateur et rejeton du langage (chose <=> mot), sur notre environnement a priori vierge, dans son essence atomique, d’une telle multitude d’eccéités. Ce phénomène restreint notre perception du réel ou, du moins, il y limite l’expression de possibles, d’angles de vue atypiques, de sensations jamais ressenties.
Le mutantisme propose de désenclaver notre façon d’appréhender notre environnement. Pour abolir les lignes et les contours qui circonscrivent les choses, il est possible de les penser tout d’abord comme des interfaces où entrent en contact le milieu/matériau 1 de l’objet avec le milieu/matériau 2 qui l’entoure (ex. : l’air). Puis d’opérer un zoom conceptuel, de considérer cette interface au travers des lentilles grossissantes qui permettraient de la voir au niveau microscopique, sub-moléculaire, et de la voir alors comme une zone où les atomes du milieu/matériau 1 côtoient ceux du milieu/matériau 2, dans un niveau d’imbrication tel qu’il n’est plus possible de définir une quelconque délimitation, sinon de distinguer seulement un gradient de densité atomique. Une fois cette désintégration des contours acquise, dé-zoomer jusqu’au niveau de perception originel et reconsidérer alors l’environnement et le voir désormais comme un flux continu d’atomes.

La gymnastique mentale proposée ici (qui n’est pas moins qu’un prototype de machine) demeure assez difficile à mettre en œuvre en l’absence d’une technologie adaptée (cela pourrait être une version alternative de la fameuse camérachine). Elle est toutefois envisageable dans le cadre d’un exercice de méditation (en utilisant ou non des psychotropes), avec l’écoute préconisée d’une musique drone, type de musique dans laquelle les sonorités classiques rendues par les instruments sont étirées, mélangées avec d’autres au point qu’il n’est plus possible de distinguer l’origine et la fin d’un son particulier ni d’affirmer avec certitude de quel instrument provient la nappe sonore en cours d’écoute. Cette musique drone est bel et bien un équivalent, dans la sphère musicale, du processus de désintégration des contours proposé précédemment. D’un point de vue purement musical d’ailleurs, la musique drone permet d’accéder à des sensations équivalentes (plaisir ressenti à l’écoute d’une mélodie par exemple) à celles que procure la musique pratiquée avec des instruments utilisés de façon plus conventionnelle : en ce sens, cette musique autorise la pratique de l’art musical (pratique + génération de sensations/plaisir d’écoute) sans la possession des capacités techniques nécessaires à la pratique conventionnelle des instruments et outils sonores utilisés. Cela n’en fait pas une sous-musique, ou bien une musique pour piètres interprètes, mais a contrario il s’agit d’une branche de la musique délibérément recentrée sur la matière première, le son, et libérée de tout carcan technologique et de toute notion de virtuosité. Il est également de bon aloi d’ajouter ici qu’en se « recentrant » sur le son brut, la musique drone permet ainsi l’atteinte d’états de conscience singuliers[1], de transes, auxquels il n’est pas donné (ou très difficile) d’accéder par le biais des musiques traditionnelles[2].


Dé-modélisation du réel / Injection mutantiste interstitielle
Le mutantisme fait le constat suivant : il n’existe plus de champ physique d’émergence de singularités et de potentialités dans le monde qui nous entoure. Dès les phases primaires de notre appréhension du réel, dès que notre cerveau interprète le déluge de stimuli qui le bombarde en continu, nous enserrons inconsciemment la réalité dans un modèle qui la bride et l’isole. Cette façon de voir le monde est la somme des apprentissages que nous avons pour la plupart réalisés dans notre jeunesse, notre propre conception et compréhension de ce qu’on appelle communément les « lois de la physique ». Dans une acceptation commune, soin est laissé aux scientifiques et physiciens d’appréhender de façon strictement rationnelle ce corpus de lois et de le faire évoluer, tandis que chez le profane (nous, vous, une grande majorité de physiciens y compris), ces lois font figure de vérité indisputable, d’écheveau primordial de notre réalité. A tel point qu’une inversion conceptuelle a peu à peu opéré, d’une façon insidieuse mais néanmoins implacable : « la nature et les artefacts humains qui la jalonnent obéissent à ces lois de la physique ». Le mot clé, dans la précédente phrase, est le verbe « obéir ». Notre prétentieuse nature humaine a retourné le paradigme en imposant au monde de se conformer à des lois issues de notre propre compréhension de ses phénomènes. Une compréhension traduite en formules mathématiques regroupées sous l’égide de théories, une modélisation du réel établie à partir d’observables et confortée par des expériences. Une modélisation cependant. Une modélisation seulement. En aucun cas un corpus de lois universelles. Ce n’est pas l’objet ici de tenter d’expliquer le retournement évoqué plus haut, toutefois il semblerait que l’homme ait encore cherché à se constituer une transcendance, à s’y vouer à corps et à cri et à se voiler la face quant au fait qu’il puisse exister d’autres manières d’appréhender le monde, d’autres physiques alternatives à même d’élaborer de nouveaux modèles de description des phénomènes, tout aussi compatibles (dans des continuums de validité qu’il conviendrait de définir) que les existants[3].

Le mutantisme ne renie pas les enseignements de la physique. Il en fait même un terreau privilégié de son imaginaire. En revanche, le mutantisme appelle à prendre conscience que ce que nous « expliquons » des phénomènes physiques qui nous entourent n’est pas la conformation de ces derniers avec des lois transcendantes et immuables, mais seulement la convergence de notre compréhension (traduite en termes de modèles physiques, perfectibles et non-holistes) de ces phénomènes avec leur manifestation à notre échelle modeste. Cette prise de conscience réalisée, une fois établi ce rapport plus sain avec le monde qui nous entoure, il est alors possible d’imaginer concevoir des modèles physiques alternatifs (qui iraient du modèle déterministe hyper-localisé au modèle stochastique à grande échelle). Le mutantisme est curieux et empirique. Il invite à l’injection de paradigmes mutantistes dans les zones du réel propices à l’émergence de possibles-jamais-vus. En incitant à la réinterprétation de nos perceptions à l’aune de physiques alternatives, le mutantisme espère favoriser l’émancipation de singularités sensorielles.





Bonus  : Ré-échantillonnage des contextes (Nyquist-Shannon rules !)
En chantre de la multiplicité (voir ce module dans le MM1.1), le mutantisme fait bien évidemment front contre les tentatives de polarisation de la pensée et de réduction manichéenne des faits et contextes, modus operandi[4] très largement répandus dans le champ médiatique et dans celui, connexe, des réseaux sociaux, puis, par infusion, dans l’opinion publique[5]. En effet, une intense polarisation de la pensée opère dès lors que doivent être explicités des contextes politiques, sociaux et culturels. Ainsi, la plupart du temps, la complexité première de ces contextes se retrouve gommée, voire réduite à néant, certains enjeux potentiels sont d’emblée désamorcés et l’essentiel des panels de forces en présence se voit éludé. Du fait de ces simplifications et vulgarisations à l’aune de subjectivités inacceptables, la description du réel n’est plus conforme. En d’autres termes, le théorème d’échantillonnage de Nyquist-Shannon, qui stipule que la représentation discrète d’un signal par des échantillons exige une fréquence d’échantillonnage au moins supérieure au double de la fréquence maximale présente dans le signal échantillonné, n’est plus respecté.
A l’heure des bus 64 bits et de l’informatique dans le cloud, le binaire ne reste conçu qu'à travers les deux entités qui en constituent la base : 0 et 1. Oui, deux, uniquement. Dès lors, n’importe quelle situation se voit donc échantillonnée (comprendre : perçue puis analysée, d’un point de vue humain) sur la base de ces 2 foutus bits manichéens. Les bons, les méchants. Les satisfaits, les insatisfaits. Etc. Un tel transcodage du réel entraîne évidemment une perte conséquente de données, une dépréciation du contexte et un biaisage des positions qui pourront être prises a posteriori.
Le mutantisme prône une restitution du réel conforme avec les préconisations physiques de Nyquist-Shannon. Nos cerveaux n’ont pas à rougir des bande-passantes énormes qu’offrent désormais les réseaux numériques de communication. Le mutantisme revendique une utilisation à leurs justes capacités de nos ressources cérébrales, une prise en compte exhaustive des multiples variables (faits, acteurs, opinions, etc.) qui constituent un contexte devant être analysé.


[1] On citera, à titre d’exemple, 2 projets ayant affiché leur volonté délibérée de permettre à l’auditeur d’accéder à des états de conscience altérés : Time Machines (qui ne sont autres que Coil) avec leur album éponyme et Giles Corey avec Deconstructionist .
[2] On n’inclura pas dans ce lot dit de « musiques traditionnelles », les musiques tribales et autres pratiques musicales dérivées utilisant la rythmique pour une accession à la transe (électro-minimale, motorik, etc.).
[3] Par « existant », on entend notre croyance fermement entée comme quoi il n’existe qu’une seule physique à même de décrire les phénomènes naturels, une physique qui fait office d’indiscutable vérité, voire de transcendance malsaine. Pour peu que l’on s’intéresse aux récentes évolutions de la physique fondamentale, il est possible de constater que la compréhension humaine de certains phénomènes physiques (à des micro- ou macro-échelles) nécessite désormais de s’aventurer au-delà des marges des modèles classiques. Aussi, de nouvelles théories et de nouveaux modèles s’échafaudent dans ces nouvelles directions. Des modèles souvent en concurrence pour décrire le même phénomène. Des modèles qui, à rebours, peuvent être en mesure de décrire correctement notre réalité courante, et donc de compléter, voire de se substituer, aux modèles de physique classique.
[4] Cf. le prêt-à-penser médiatique déjà dénoncé en exergue de ce module.
[5] Encore que ce concept doit être manipulé avec précaution, car, paradoxalement, son thermomètre, bien souvent déréglé, n’est autre que les médias.

lundi 10 février 2014

dimanche 9 février 2014

[1.2 – alpha-test] Floutage (part.1/2)



Rappels / Contexte
In Manifeste Mutantiste 1.1, chapitre « Issu de l’hostilité du monde... » :

Tous les êtres sont élastiques jusqu’à un certain point. Ils peuvent supporter les effets de la traction, de la compression et du cisaillement. Au-delà de la limite d’élasticité, l’être ne reprend plus sa forme initiale même lorsque la contrainte à laquelle il est soumis cesse d’agir. Lorsque la contrainte est supérieure à la résistance maximale de l’être, il se rompt. [...] Les pressions d’un environnement lui-même mutant font changer les êtres de formes, chercher d’autres moyens d’être au monde, des chemins, des armes, des dispositifs, plus forts que ce qui existe, les contraint et les soumet. [...] Plus la compression normalisante sur les vies sera forte, plus l’on verra surgir des singularités se taper la tête contre les murs (les murs de la “raison”) et se tordre jusqu’au mutantisme.

Sous la pression technocratico-sociale, le corps finit par se rompre... ou se flouter.


Il se dissout et se réagrège autrement, plus loin, derrière, en décalage. Reconfiguration du cerveau, augmentation de l'existence, mitose[1]. Vies multiples derrière/dans un seul corps. Schizophrénie sociale. Utilisation de l'interface corporelle comme outil d'infiltration (alibi social). Déconstruction des trajectoires sociétales, du prêt-à-penser médiatique (médias traditionnels + réseaux sociaux), mise en exergue de leur frénésie absurde.


Coer-scission
Phobie des délimitations (frontières, apartheids, dictionnaires) : « j'ai peur des mots dans le dictionnaire ». Refus de la dénomination coercitive et constat de l’insuffisance du langage courant. Il y a nécessité à opérer la translation du signifiant hors des frontières du signifié. Pour ce faire, pour ce fuir, utilisation de la poésie : en son sein (champ de possibles et de vecteur-trojan potentiel) dissolution du langage et reconstitution d'un langage plus universel, moins (dé)limitant. Moléculariser/vaporiser/atomiser le langage (et les signifiants), donner un sens à l'expression (vide de sens depuis belle lurette) : flou artistique. Puis entretenir et alimenter ce flou.



Autolyse
Refus d'un nom (hérité et non choisi), préférence pour l'avatar, le nickname, l'alias. Déréférencement social (rêve ultime = plus d'identité sociale, plus de fichage, apatridie, humanité 1.0) : modifier constamment l'écriture de son appellation pour tenir Google en échec.


Esthétique du bordel, du foutoir VS diktat du 2.0 : le web tend à une uniformisation des contenus, via réseaux sociaux avec interfaces peu ou prou personnalisables et CMS[2] (la personnalisation décidée d’avance), Invidation prône la rupture et invente le blog bordélique (historiquement node0 : http://invidation.net/cqlusterlab/n0de/) où les posts s'empilent, différemment au gré des rechargements de pages. Anonymation des posts, contributions diverses pour une œuvre unique – l'esthétique du bordel alimentée par une grappe de cerveaux (voir ce module).



Poésie des interfaces
Poésie des interfaces, célébration de leur luxuriance (transferts, foisonnement des matières, « santre », muqueuses humides). Dynamique de floutage : extension des zones d'interface, épaississement du trait, augmentation de la porosité des contours si tant est qu’il doit encore y en avoir, perméabilité de la poésie à d’autres domaines extra-littéraires : voir notamment le module Poésciencedans la Préhistoire électronique.


[1] Voir le module Grappes de cerveaux
[2] Content Management System = Système de gestion de contenu