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samedi 5 septembre 2015

Une nouvelle histoire anéantie : la terre des oiseaux

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Aucun nuage ne peuplait le ciel cette nuit-là. Mais les étoiles ne les remplaçaient pas pour autant. Tout juste pouvait-on voir s’étendre au-dessus des étendues glacées, la mince traînée blanche de la Voie lactée. Venue du haut du ciel, une bourrasque descendit en tourbillonnant sur un lac jusqu’alors endormi. Aussitôt, l’épaisse couche de glace qui protégeait la fragile étendue d’eau se brisa nette. Un par un, les morceaux de neige gelés qui constituaient sa carapace se firent submerger par le liquide récemment libéré, jusqu’à ce que plus rien ne subsiste de la croûte qui l’avait tenu emprisonné. Alors, pour la première fois depuis mille ans, le lac fit gonfler ses flots bruns et aspira goulûment tout l’air qui se trouvait à sa portée.

Dans la forêt en contrebas, un cri se fit entendre. Mille ans durant, les arbres avaient fait consciencieusement disparaître tout ce qui se trouvait en dessous de leurs branches. Si bien que même les rapaces, qui allaient et venaient au-dessus du paysage, furent surpris de ce signe manifeste qu’une existence se tenait là, en bas. L’étonnement passé, les oiseaux du haut du ciel se regroupèrent pour discuter de l’origine de ce bruit, et décider s’il était opportun de pousser l’investigation plus loin. De mémoire de volatiles, aucune assemblée comme celle-ci n’avait été organisée depuis mille ans au moins. Cela expliquait l’ambiance survoltée qui régnait dans le haut du ciel. Chacun y allait de ses arguments : les uns voulaient continuer à voler sur le paysage sans que personne ne vînt les déranger, si ce n’est la mort elle-même ; les autres se proposaient pour partir en éclaireur afin de déterminer l’existence à l’origine de ce cri. Personne n’arrivait à se mettre d’accord. Et, au-dessus de la forêt, l’on n’entendit que piaillements, et l’on ne vit que plumes.

Soudain, les arbres à l’orée de la forêt bruissèrent. Une silhouette en sortit et commença à marcher en direction du lac. En voyant cela, la moitié des oiseaux présents dans le haut du ciel descendirent en piqué vers la tache noire qui avançait dans les étendues glacées. Quelques secondes après, ils cernaient la personne qui – ils pouvaient le distinguer maintenant – était emmitouflée dans d’épaisses fourrures, de la tête aux pieds.

- Que fais-tu ?

- Où vas-tu ?

- Pourquoi n’avons-nous pas été au courant de ton existence ?

- Qui es-tu ? Qui es-tu ?

La nuée assaillait de questions le marcheur. Mais celui-ci, imperturbable, continuait son périple vers le lac, sans prendre le temps de leur répondre. Au fur et à mesure qu’il progressait, les oiseaux se sentirent de plus en plus ignorés. Depuis mille ans, ils étaient les maîtres du haut ciel et de la terre. Ce faisant, ils se sentaient outragés qu’un humain tout juste sorti des entrailles de la forêt put leur manquer de respect à ce point. Et cela les mit dans une colère furieuse.

Alors qu’il arrivait tout juste sur les contreforts du lac, les oiseaux se précipitèrent sur l’humain pour le percer de toutes parts avec leurs becs, et lui labourer les entrailles avec leurs griffes. L’attaque fut si puissante et si rapide que la personne s’effondra en un instant. Puis son corps inanimé roula jusqu’aux berges du lac qui avait récemment repris vie.

Des flots de sang s’échappèrent de son flanc, et coulèrent vers les eaux brunes pour s'y mêler. Alors l’épaisse couche de glace qui avait emprisonné le plan d’eau pendant mille ans se reforma. Et les oiseaux, satisfaits, repartirent vers le ciel.

dimanche 23 août 2015

Une autre histoire anéantie - Vie et mort dans les Terres de Feu

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Alexandre sortit à 7 heures de chez lui. Il tirait derrière son dos un griffon à l'aide de la même vieille laisse de cuir râpé que son père et son grand-père avaient utilisés avant lui pour promener leurs animaux.

Le froid était particulièrement vif ce matin-là. En relevant le col de son manteau en fourrure, Alexandre maudit l'idée idiote qu'il avait eu de venir s'installer en plein milieu des Terres de Feu. Ce climat aride et sauvage, fait d'imprévus et de solitude forcée ne lui allait vraiment pas au tempérament. Mais, bon gré mal gré, il lui avait fallu s'habituer à la solitude. En fait, il connaissait ce sentiment depuis l'âge de 12 ans...

Huit ans plus tôt, la Grande Inondation avait supprimé la plupart des humains de la surface du globe. Et Alexandre n'avait dû son salut qu'à la cabane que son père lui avait construite, perchée au milieu des arbres dans le jardin familial. Quand la vague arriva durant une après-midi de la fin de l'automne, Alexandre était en train de jouer à la vigie avec la longue-vue que lui avait offerte son grand-père pour son anniversaire, qu'ils venaient de fêter en famille le midi-même. Le chêne sur lequel trônait sa cabane faisait bien une petite centaine de mètres de hauteur. Ce qui valut à Alexandre d'être préservé du déluge qui s'abattit en hurlant sur son quartier, sa ville, son pays, puis la quasi totalité du monde quelques jours après. Et sa survie, désirée ou non par le jeune garçon, ne tint qu'au fait qu'il pût observer l'avancement du cataclysme sur le monde à l'aide de son cadeau d'anniversaire.

En repensant à tout ça, Alexandre, qui maintenant approchait la vingtaine, écarta d'un geste sûr les toiles d'araignées qui lui barraient le chemin vers la falaise. Aussitôt, un bourdonnement de pattes alla se réfugier dans les hautes herbes. Quelques secondes après, ce bourdonnement fit place au vrombissement du vent qui cherchait à s'engouffrer avec rage dans la moindre des aspérités de la gigantesque paroi qui s'étalait sous ses pieds.

Au loin, une colonie de griffons profitait de l'alternance des courants chauds et froids pour planer paisiblement avant d'aller chasser du gibier dans les terres. Le vert de leur carapace semblait faire écho aux reflets de l'eau calme gisant une centaine de mètres en dessous de leurs ailes. En voyant ce spectacle, le griffon d'Alexandre se mit à battre frénétiquement des ailes et à pousser de petits cris perçants, adressés, selon toute vraisemblance, à ses congénères. Alexandre comprit rapidement la volonté de son camarade, et le libéra de la laisse qu'il avait utilisé pour le capturer à son arrivée dans les Terres. L'animal s'était laissé dompter facilement, et le gibier qu'il lui rapportait quotidiennement lui était très précieux.

En trois battements d'ailes, le griffon s'éleva au-dessus des falaises, et il lui en fallut cinq de plus pour rejoindre ses semblables. Alexandre les regarda s'éloigner vers le large, puis fit un pas pour les rejoindre.

lundi 25 mai 2015

L'aventure

 
C’est quand je m’assis sur le banc que les premiers cris se firent entendre. Le soleil était déjà haut, et la douce chaleur qui inondait ce début d'après-midi aurait pu soulager mon stress si la matinée n’avait pas mis aussi longtemps à passer.

Aux sons, je sus que trois personnes s’approchaient de l’arbre dont les larges feuilles me protégeaient du soleil. Je les entendais glapir comme des animaux sentant une menace planer. Soudain, ils s’arrêtèrent.

Moi, courageux comme pas deux, je m’apprêtai à en découdre. En plus, j’avais fini mon sandwich.

Mais le jeu que les dieux jouent, et que nous appelons le hasard, ne se passa pas comme prévu. Car au même moment, dans les hautes herbes un peu plus à l’ouest, passèrent deux monstrueux golems. L’un d’eux était armé d’un marteau.

Les deux élémentaires hélèrent les trois personnes. Et les cinq partirent tous ensemble, dans la pâle lumière que l’été tardif peine à imposer.

Je suis droit dans mes bottes, et j’ai le cœur vaillant. Seul un dîner servi à heure fixe aura raison de moi.