dimanche 23 août 2015

Une autre histoire anéantie - Vie et mort dans les Terres de Feu

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Alexandre sortit à 7 heures de chez lui. Il tirait derrière son dos un griffon à l'aide de la même vieille laisse de cuir râpé que son père et son grand-père avaient utilisés avant lui pour promener leurs animaux.

Le froid était particulièrement vif ce matin-là. En relevant le col de son manteau en fourrure, Alexandre maudit l'idée idiote qu'il avait eu de venir s'installer en plein milieu des Terres de Feu. Ce climat aride et sauvage, fait d'imprévus et de solitude forcée ne lui allait vraiment pas au tempérament. Mais, bon gré mal gré, il lui avait fallu s'habituer à la solitude. En fait, il connaissait ce sentiment depuis l'âge de 12 ans...

Huit ans plus tôt, la Grande Inondation avait supprimé la plupart des humains de la surface du globe. Et Alexandre n'avait dû son salut qu'à la cabane que son père lui avait construite, perchée au milieu des arbres dans le jardin familial. Quand la vague arriva durant une après-midi de la fin de l'automne, Alexandre était en train de jouer à la vigie avec la longue-vue que lui avait offerte son grand-père pour son anniversaire, qu'ils venaient de fêter en famille le midi-même. Le chêne sur lequel trônait sa cabane faisait bien une petite centaine de mètres de hauteur. Ce qui valut à Alexandre d'être préservé du déluge qui s'abattit en hurlant sur son quartier, sa ville, son pays, puis la quasi totalité du monde quelques jours après. Et sa survie, désirée ou non par le jeune garçon, ne tint qu'au fait qu'il pût observer l'avancement du cataclysme sur le monde à l'aide de son cadeau d'anniversaire.

En repensant à tout ça, Alexandre, qui maintenant approchait la vingtaine, écarta d'un geste sûr les toiles d'araignées qui lui barraient le chemin vers la falaise. Aussitôt, un bourdonnement de pattes alla se réfugier dans les hautes herbes. Quelques secondes après, ce bourdonnement fit place au vrombissement du vent qui cherchait à s'engouffrer avec rage dans la moindre des aspérités de la gigantesque paroi qui s'étalait sous ses pieds.

Au loin, une colonie de griffons profitait de l'alternance des courants chauds et froids pour planer paisiblement avant d'aller chasser du gibier dans les terres. Le vert de leur carapace semblait faire écho aux reflets de l'eau calme gisant une centaine de mètres en dessous de leurs ailes. En voyant ce spectacle, le griffon d'Alexandre se mit à battre frénétiquement des ailes et à pousser de petits cris perçants, adressés, selon toute vraisemblance, à ses congénères. Alexandre comprit rapidement la volonté de son camarade, et le libéra de la laisse qu'il avait utilisé pour le capturer à son arrivée dans les Terres. L'animal s'était laissé dompter facilement, et le gibier qu'il lui rapportait quotidiennement lui était très précieux.

En trois battements d'ailes, le griffon s'éleva au-dessus des falaises, et il lui en fallut cinq de plus pour rejoindre ses semblables. Alexandre les regarda s'éloigner vers le large, puis fit un pas pour les rejoindre.

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