ULTRAVORTEX Episode 2
La chasse aux fantômes se transforme en forteresse imprenable au milieu de l’autoroute holocauste
« Si toutes choses sont sous contrôle, c'est que vous n'êtes pas assez rapide. »
Mario Andretti
L'esthétique neutralisée d’un parking souterrain :
Vertes horizontales.
Gris piédestales.
Bleues parallèles.
Sanctuaire urbain sous la frénésie du bitume.
La voix résonna : « Contrairement à ce que certains aimeraient vous faire croire, il n’y a aucune trace d’absurdité dans le monde contemporain… dans un monde libre, ce serait l’absence de désordre, de compétition, de prédation qui serait une absurdité... l’absurdité serait de croire que la paix et l’harmonie sont la norme sur une planète tournant sur elle-même à plus de mille cinq cents kilomètres par heure, autour d’un astre brûlant à plusieurs millions de degrés Celsius, lui-même lancé à toute vitesse dans une gigantesque spirale nébuleuse posée à plat dans le vide interstellaire... »
L’ermite dénoua ses trois de points de suspension en pastichant la dynamique du Vortex, la balistique secrète du Système solaire. La voix dans l’ombre n’avait pas quitté le parking depuis des jours, des mois, des années, des siècles ; en avait perdu la mémoire, fondu ses doutes en de nouveaux souvenirs postiches. À force de creuser, il finirait par trouver une porte secrète dans le coffre-fort, de celle où se trouvent les formules secrètes, des prescriptions pour le sacrifice, tracées dans une ancienne langue à images qui fut sienne autrefois.
Al Zimmer raccrocha sur ces mots : « J’habite au Campanile, j’ai vue sur l’Autoroute, je te verrai arriver de loin ». Une première expertise démontrait que la chaussette d’Elvis retrouvé dans l'hôtel de San Francisco porterait des traces de sang. Al Zimmer notre enquêteur fétiche, avait cru, de prime abord, à un accident de santiag dans un rodéo aux abords d'une highway à l’arrêt, avant de saisir l’intuition au vol, le sang séché était celui de la victime d’un rituel de magie noire qui aurait mal tournée.
Autant de nouvelles Terres, rouges, arides, violettes, attaquées par les cendres des atomes animés d’intentions funestes, restent à baptiser de larmes de sang, de gouttes d'eau-de-vie, du sceau de la cruauté.
Le 3 janvier 2019, Dany Stupefactor s’arrêta plusieurs minutes face à un panneau STOP à attendre pendant une heure qu’une voiture se pointe d’un côté ou de l’autre du croisement dans le seul et unique but de la laisser passer, pour avoir une bonne raison de redémarrer.
Comme de nombreux automobilistes touchés par le phénomène, il se confessa à la télévision :
« La nuit... je dors pas beaucoup... je regarde par la fenêtre de ma chambre en attendant qu’il y ait un accident… parfois toute la nuit… au bout de la rue il y a un virage avec une maison qui attire les accidents… il y a des années de ça un gars est mort dans une tranchée... le gars est resté coincé dans le trou pendant toute l’après-midi dans les travaux avant de mourir enseveli devant ses collègues tous les pompiers de la ville… et quelques semaines plus tard... c’est un camion avec une remorque pleine de graines qui fait le tout droit... il a recouvert une Opel Astra avec sa cargaison et détruit le barrage... je me dis pourquoi ça s'arrêterait un jour ? pourquoi une si ancienne malédiction s’arrêterait du jour au lendemain ? pourquoi les fantômes chercheraient à quitter un endroit où ils se sentent si bien... ».
DD&DD / Le thème de la soirée : Drogues dures et drague douce : retour en France Interdite. La civilisation vue des arrêts de bus par un mouton noir caché dans les artères. Visite d’un orphelinat, secret, les yeux, bandés, la bouche, remplie d’échos, des abeilles, du métal, noir, dans les oreilles, déambulations, chimériques, pulsations, d’un post-dictionnaire, buisson, de roses panthères, l’attaque du péage, à coup d’armes chimiques. Sur le toit d’un HLM, le lever du soleil sur la conurbation détient la promesse d’un brasier à venir. Ouvrir son journal intime à la page 77 pour redécouvrir une vérité : Se méfier des mots, le langage tire son origine d'une vague de haine mécanique, et se disperse en guerres contre le monde.
— Dans quelle position dormez-vous ?
— Assis, sur la banquette arrière de ma voiture garée tous phares éteints sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute la plus proche de manière à toujours voir arriver le danger de loin.
— Je connais un homme qui a passé sa vie entière à chercher la lumière dans les phares d’une…
Al Zimmer coupa la parole du jeune homme d’un geste de la main.
— Vous n’y êtes pas du tout, regardez plutôt (CLAC !).
Le papier était chargé d’idiomes énigmatiques, sauf pour un féru de cryptologie comme Zacharie. Le Magicien avait beau chercher dans sa collection de livres dédiés à la mythologie, sa grande bibliothèque invasive - déversant ses piles de papier dans le salon, les chambres et une partie de la salle de bains, classés et reclassés à longueur de journée selon des critères variables, allant de la position des planètes dans le ciel de la Zone Grise jusqu’à la teneur des informations reçues de la part du Guetteur et retransmises chaque nuit dans ses rêves éveillés. Il ne trouvait nulle référence d’un Dieu-dragon qui, s’envolant dans les airs à la recherche d’une proie de choix (une princesse cherchant à fuir l’ennui de son château et de ses tristes prétendants), cracherait des flammes de désespoir à l’horizon jusqu’à se brûler lui-même les ailes. Un tel mythe n’existerait que dans une vallée reculée de la forêt d’Amazonie. Le chamane d’une tribu indigène non répertoriée à l’UNESCO avait du lui envoyer cette image durant la nuit. Le mythe d’une créature d’au-delà les frontières qui détruit les conventions de par le tracé d’une diagonale (la Nature ne connaît pas la diagonale, ni la ligne droite, ni l’angle droit, de dit-il). Le dragon, retombé dans une terre inexplorée, crachant à nouveau ses flammes dans une forêt vierge, sans effet, à cause du taux d’humidité hallucinant dans la région, changerait de tactique : mode rouleau compresseur / un pas devant l’autre / baisse le tempo / sans baisser la garde / abattre un arbre après l’autre / la ligne ainsi tracée dans la forêt porterait la marque d’une orthodoxie malsaine. Le dragon poursuivrait sa marche irrépressible sous le regard hypnotisé d’un chasseur maquillé. La végétation tenterait de repousser dans l’instant ; élaguée, compressée, conjurée par cette erreur de la sélection naturelle. Aux avant-postes, la faune chercherait son Salut en sautant, courant, hurlant pour échapper au Léviathan qui accélérerait invariablement son pas. Les troncs d’arbres voleraient sur des kilomètres. Zacharie, appelé à la rescousse par ces voies que nous ne connaissons que si mal, pourrait remettre ce chaos en ordre. Lui, l’homme de la ville. Choisi parmi tous ceux qui s’empresseraient de construire une autoroute sur le sol défriché. Ce dragon était une créature des hommes, un monstre issu des tréfonds d’une favela nourrie par l’égrégore de la fureur de la Civilisation. Le camp-bidon-ville prit la forme d’une créature malicieuse, aujourd’hui perdu dans l’enfer vert après un vol psychotique, ne sachant pas que les princesses ne se dénichent pas dans les tours de chateau-buidings surplombant la plage Copacabana. Il avait bien dévoré quelques jet-setteuses et mannequins à la mode avant d’en recracher leurs cadavres fumant au-dessus de la baie, juste pour satisfaire le mythe. Dans un éclair visionnaire, Zacharie poussa d’un cran la musique d’ambiance, le mid tempo acéré prit la consistance d’un chemin de traverse, il esquissa un pas de danse, puis un second, selon un très ancien enchaînement fossile. Connexion réussie. Rien n’arrête un dragon dans la forêt vierge, et rien n’arrête deux chamanes tissant leur piège vibratoire par delà les limites de l’espace et du temps. La mygale / Géante / Intelligente / Piège symbolique / Tisse des éclairs / De filets aux reflets aigus / D’au-delà des perceptions infrarouges du reptile. La chasse est ouverte.
Autoroute Holocauste
Des voitures de sport démontées pour mieux se crasher.
Rien ni personne n’est fait pour atténuer le choc.
Flashback fatal bardé de clusterfucks.
Des séries limitées.
Des envolées sur les ponts, les échangeurs, des coups de volant parasites dans les virages, du sabotage dans les embrayages, il ne s’agit pas seulement de se crasher en beauté, il fallait apprendre trouver la route de son bûcher, un bûcher moderne, un bûcher spectacle, un « onze septembre » de la vanité, diffusé en direct sur toute la planète, concentré sur un foyer, sans aucune possibilité d’y échapper - voila pour le programme.
Des ombres.
Des lumières sur l’autoroute.
Un singe greffé sur le cerveau, une grosse caisse dans le coffre et des amis sur le carreau.
Une route, déserte, éclatée, le bourdonnement du repos, une station-service, abandonnée, une forteresse au milieu d’une forêt de carcasses enflammées. La dernière projection d’une vidéo sur le bitume.
Un symbole gravé à l’acide sur toutes les strates de l’univers.https://twitter.com/doubles_v
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