jeudi 31 mars 2011

La Rivière - scénario


Un théâtre d'ombres chinoises. La scène est une forêt. Une rivière la traverse. Deux ombres de petits garçons apparaissent sur la gauche du décor, l'un est plus grand que l'autre. Ils gambadent vers la droite. Lorsqu'ils traversent la rivière, le plus grand dérape et tombe dans l'eau. Seuls ses bras sont hors de l'eau, il se débat. Le plus petit attrape sa main droite et tire l'autre hors de l'eau, le hissant sur la berge. Au bout de quelques secondes, le plus grand se relève et les deux continuent, main dans la main jusqu'à la droite du décor.


Un homme de 25 ans (OLIVIER) conduit une voiture sur une route de montagne. A côté de lui se trouve une femme du même âge (CIRCE) à qui il fait un baiser. En conduisant, il lui parle de son père, du cancer dont il n'a pas parlé à toute la famille jusqu'à quelque mois avant sa mort, et de la plaie de revenir à la maison familiale pour son enterrement. Olivier lui parle d' EDOUARD, son frère, 21 ans. En racontant à Circé leur enfance, il garde les yeux dans le vide, spécialement lorsqu'il évoque la maladie qui a touchée son frère dès l'age de 14 ans. Il continue en évoquant en quelques mots nostalgiques leur amitié sincère lorsqu'ils étaient enfants. Il a même assisté à sa première histoire d'amour. Édouard, à 13 ans, est tombé amoureux de sa voisine (HELENA).


FLASHBACK :


Un garçon (EDOUARD), 13 ans, cheveux longs tombant sur les yeux, vêtements larges, est devant la cour de son collège. C'est la fin d'après-midi et la sortie des cours. Quelques personnes lui disent bonjour en passant, et la foule se disperse peu à peu. Une fille du même âge (HELENA), les cheveux blonds, une pochette de dessin à la main, un bonnet planté sur la tête et des vêtements amples, l'accoste. Édouard rougit en lui demandant si ça la brancherait d'aller boire un café. Elle acquiesce.

Le soir est tombé. Édouard et Héléna se baladent dans une rue, se tenant main par la main. Ils s'arrêtent devant une maison, il l'embrasse et lui propose de rentrer. Elle l'accompagne, et ils se retrouvent sur le canapé du salon familial, en train de s'embrasser. La porte s'ouvre avec fracas, un garçon de 17 ans entre (OLIVIER), vêtu d'un polo Lacoste, blond, la raie sur le côté. Il apostrophe son frère en lui demandant si ça ne lui dirait pas de sortir dans un café, « lui et sa greluche ». Édouard acquiesce, timidement, en faisant les présentations.

Édouard, Olivier et Héléna sont dans un café. La musique couvre le bruit de leurs paroles. Olivier accapare l'attention d'Héléna par sa gouaille. Édouard boit son café sans rien dire.


Édouard, Olivier et Héléna marchent sur un trottoir, vers la maison des deux frères. Dès leur arrivée sous le porche, Olivier dit à Héléna de ne pas hésiter à l'appeler pour leur prochaine soirée. Il ajoute qu'il est en conduite accompagnée, et qu'il aura bientôt son permis. Puis Olivier les laissent seuls, en amoureux. Édouard fait un long baiser à Héléna, et lui propose de venir à son anniversaire dans 4 jours. Elle accepte. Il propose de la raccompagner. Elle refuse avec une moue boudeuse, puis rentre chez elle.

Le jour suivant, après l'école, Édouard rentre chez lui et voit Héléna dans son salon discutant à bâtons rompus avec Olivier. Quand elle voit Édouard, elle court vers lui et l'embrasse en lui disant qu'elle ne savait pas qu'il avait un frère autant passionné de dessin. Édouard jette un regard à Olivier quand Héléna a le dos tourné. Olivier lui fait un clin d'œil et un geste de la main, lui signifiant de ne pas s'inquiéter.

Deux jours après, Édouard est devant la grille de son collège et discute avec ses amis. Ils parlent d'un concert ayant lieu sur la Grand Place de la ville d'à côté le lendemain soir. Édouard voit Héléna et marche vers elle, délaissant ses amis. Arrivé à elle, il lui propose d'aller voir le concert en question. Elle décline l'invitation, lui disant qu'elle a déjà un rendez-vous de travail prévu de longue date avec ses copines. Il continue de parler avec elle de la pluie et du beau temps.

Le lendemain midi, Édouard, Olivier et leurs parents déjeunent ensemble chez eux. Édouard demande à son grand frère de le conduire au concert. Ses parents disent qu'ils lui laisseront la voiture. Olivier répond qu'il ne peut pas à cause d'un devoir d'économie qu'il doit faire. Édouard râle et lance à son frère un regard noir. Puis il annonce qu'il ira au concert à pied avec ses amis.

Édouard et toute sa bande marchent sur un trottoir, derrière eux se trouve la place où des jeunes s'éparpillent à droite à gauche, le concert touchant à sa fin.

Édouard rentre chez lui, et ferme la porte de sa maison en faisant le moins de bruit possible. Ses parents sont encore levés, ils sont affolés et marchent dans tous les sens. Son père (ROGER) est au téléphone avec l'hôpital, demandant avec insistance comment va Olivier. Sa mère (ANNABELLE) a les yeux en larmes. Son père raccroche le téléphone, il dit à sa femme de prendre sa veste pour filer à l'hôpital. Les deux parents remarquent alors Édouard en train de les fixer d'un air abasourdi. Ils lui expliquent alors que son frère et Héléna ont été victimes d'un accident de voiture. Édouard commence à trembler comme une feuille, et bredouille qu'il ne sait pas comment Héléna a pu se retrouver dans la voiture d'Olivier. Roger lui coupe la parole et enjoint tout le monde à aller dans la voiture pour être à l'hôpital le plus vite possible.

Édouard et ses parents marchent d'un pas rapide à travers le hall de l'hôpital. Ils déclinent leur identité à l'accueil, et l'infirmière les invite à s'asseoir pendant qu'elle va chercher le médecin. Celui-ci arrive, amène les parents à part pour leur parler. Ils reviennent ensuite vers Édouard et lui disent de venir avec eux voir son frère. En chemin, il demande à voir Héléna d'abord. Sa mère se retourne, et, en sanglotant, lui dit qu'elle est morte de ses blessures.

Édouard et ses parents sont dans la chambre d'Olivier. Celui-ci est sur un lit, emplâtré. Son père discute avec le docteur, tandis que sa mère tient la main d'Olivier. Édouard est assis sur une chaise devant le lit d'Olivier, et regarde fixement le lit. Les paupières d'Édouard s'ouvrent et se ferment de manière convulsif, et sa bouche adopte un rictus étrange.



Il pleut. La voiture d'Olivier et de Circé s'arrête devant la maison familiale. Ils descendent et courent vers la porte, Olivier sonne. Sa mère ouvre et leur souhaite la bienvenue. Annabelle prend leurs vêtements et va les accrocher au porte-manteau. Un bruit sourd se fait entendre au premier étage, Circé lève la tête vers l'escalier y menant. Un homme (EDOUARD) aux longs cheveux emmêlés, portant un pantalon et une veste de jogging, apparaît au premier étage. Il descend sur ordre de sa mère. Arrivé au rez-de-chaussée, Édouard, silencieux, serre la main de son frère tout en évitant son regard. Il fait ensuite la bise à Circé. Annabelle invite tout le monde à venir boire le thé dans le salon. Édouard les suit, mais reste en arrière. Édouard est agité d'un léger tremblement quand il porte la tasse à sa bouche. Sa mère, répondant au regard interrogateur de Circé, dit que c'est à cause des médicaments qu'il prend pour ses troubles psychiques. Si leur prise n'est pas régulière, des crises violentes risquent de survenir.


Annabelle, Circé et les deux frères sont à table. Ils mangent un rôti saignant. En se servant, Olivier fait éclabousser de la sauce rouge sur la robe de Circé. Sa propre serviette ne suffit pas à éponger toute la sauce répandue sur la table. Il demande alors à Édouard de lui passer la sienne. Édouard regarde son frère, puis Circé dont la robe est couverte de sauce. Il a alors un mouvement de recul et ses yeux s'écarquillent. Il passe la serviette qu'il a sur ses genoux à son frère, disant que c'est pour Héléna. Circé ne l'entend pas, tandis qu'Olivier jette un regard noir à son frère.

Annabelle monte les escaliers menant au premier étage, suivie d'Olivier et de Circé ; à l'arrière se tient Édouard. Annabelle monte à Olivier et Circé la chambre dans laquelle ils vont dormir ; puis, elle accompagne Édouard dans la sienne. Ce dernier, en se dirigeant vers sa chambre, se retourne vers Olivier et Circé, et jette un bref coup d'œil à la galbe de Circé. Il rencontre le regard d'Olivier qui lui intime de tourner la tête et de continuer vers sa chambre.

Olivier et Circé sont dans leur chambre. Ils discutent entre eux. Circé demande à Olivier si ça ne lui plairait pas de renouer une amitié forte avec son petit frère, comme quand ils étaient enfants. Olivier prend un air pensif et argumente de mille manières le fait que cela ne soit plus possible désormais. Alors Circé le somme d'aller voir son frère et de parler de leurs souvenirs d'enfance, de lui demander s'il a une copine, et plus encore. Olivier maugrée, mais devant tant d'insistance, se lève du lit, sort de sa chambre et se dirige vers celle de son frère en trainant des pieds.

Olivier entre dans la chambre d'Édouard sans frapper. Édouard est en pyjama, sous sa couette. Il lit un livre de Lovecraft. Sur sa table de nuit se trouve des médicaments. Olivier reste debout, les mains dans les poches, plutôt nerveux. Il commence à parler avec son frère d'un ton sec et cassant. Il lui demande des nouvelles de sa vie, en marchant de droite à gauche. Édouard lui répond timidement, visiblement mal à l'aise. Olivier essaye de faire partir la discussion sur des souvenirs d'enfance, mais ça ne prend pas. Rapidement la discussion s'envenime. Chacun reproche à l'autre la déchéance dans laquelle l'a emporté son existence : Édouard, car Olivier a entraîné Héléna dans un accident mortel, et Olivier pour avoir un tel inadapté social en guise de frère. Leur mère, Annabelle, arrive dans la chambre et les sépare comme des enfants. Elle prend Olivier par le bras pour le sortir de la chambre de son frère. Édouard, assis sur son lit, attrape d'une main tremblante ses médicaments sur sa table de nuit et gobe deux pilules.

Olivier rentre dans sa chambre. Circé, assise sur le lit, a manifestement entendu la dispute. Il s'assoit sur le lit. Elle entoure sa taille de ses bras, se collant à lui. Il la repousse brusquement de sa main, puis s'allonge sur le lit en disant que son frère ne peut comprendre que la manière forte. Puis, il se lève et marche de gauche à droite, s'arrête devant un jeu de billes en vrac laissé à l'abandon dans un coin de la chambre. Olivier s'accroupit devant un tas de billes posé là, décoche une pichenette sur un cachalot en direction d'un amas de billes. Elles s'éparpillent. Olivier les regarde de manière pensive, puis rejoint Circé dans le lit.

Au milieu de la nuit, Olivier a les yeux grands ouverts, allongé dans son lit, tandis que Circé à côté de lui dort profondément. Il se lève, sort de sa chambre, traverse le couloir à pas feutrés, et ouvre doucement la porte de la chambre d'Édouard. Celui-ci dort profondément. Olivier s'approche de la table de nuit, prend les médicaments de son frère, lui jette un bref coup d'œil et quitte la chambre pour revenir dans la sienne et se glisser doucement dans son lit.

Plus tard dans la nuit, Olivier est réveillé par une brusque secousse et des hurlements de femme. Il s'assoit sur son lit, et voit par terre, à côté des billes éparpillées, Édouard sur Circé en train de la déshabiller violemment dans le but manifeste d'abuser d'elle. Édouard ne cesse de bredouiller « Héléna !... Héléna !...Héléna!... ». Olivier se précipite sur lui, l'arrache d'elle et le cogne à la tête jusqu'à qu'il s'évanouisse. Annabelle entre dans la chambre précipitamment, visiblement alertée par les cris. Elle sépare les deux frères et prend la tête d'Édouard dans ses bras, pendant qu'Olivier met Circé sur le lit. Olivier et Annabelle soulèvent Édouard par les épaules pour le conduire jusqu'à sa chambre, pendant que Circé reste seule sur le lit, les yeux dans le vague.

Olivier revient dans sa chambre, et Circé se jette dans ses bras en sanglotant. Il la serre contre lui, et ils s'endorment doucement, tandis qu'on entend de manière étouffée un son répété venant de l'autre bout du couloir : « Héléna...Héléna...Héléna... »

Olivier et Circé sont réveillés par le soleil matinal, perçant à travers les stores de leur chambre. Ils s'habillent et descendent à la cuisine, au rez-de-chaussée.

Le petit-déjeuner est préparé sur la table de la cuisine. Annabelle est au téléphone avec l'institution spécialisée dans les soins psychiatriques pour adolescents qui avait prise en charge Édouard. Elle raconte rapidement l'accident de la nuit au docteur à l'autre bout du fil, puis ils conviennent que des infirmiers viendront le chercher dans trois heures. Édouard, Circé et Annabelle s'installent à la table de cuisine et commencent à petit-déjeuner. Après quelques secondes, Circé a un mouvement de recul en regardant la porte. La tête d'Édouard, pâle, cernée, est à entrebâillement. Il regarde l'assemblée avec un sourire timide, va s'asseoir à la table et commence à se beurrer une tartine. Olivier, d'un ton sévère, lui demande s'il a au moins honte pour les événements de cette nuit. Édouard le regarde droit dans les yeux et dit qu'il a passé une très bonne nuit et qu'il ne se souvient même pas de ses rêves. Olivier échange un coup d'œil inquiet avec sa mère.

Puis, l'ensemble de la famille se prépare pour l'enterrement. Ils sortent de la maison familiale et se dirigent vers le cimetière. La cérémonie a lieu et le cercueil est enterré.

Après la cérémonie, Olivier emmène Édouard à part, et lui dit qu'il ne le reverra plus jamais compte tenu ce qu'il a fait à Circé. Il continue en disant qu'il n'a jamais compris pourquoi il est devenu comme ça après la mort de sa copine. Édouard élève la voix et le regarde d'un air fou en lui demandant s'il n'a pas honte d'avoir volé sa copine, puis de l'avoir tué ; et en plus de le nier. Olivier le regarde alors, interloqué, en disant qu'ils allaient juste chercher son cadeau d'anniversaire. Olivier assure à Édouard qu'il n'est jamais sorti avec Héléna.

Olivier, Circé, Édouard et Annabelle rentrent à la maison familiale. Les ambulanciers sont sur le pas de la porte. Ils laissent passer Olivier et sa mère, prennent Édouard par les épaules. Celui se débat un peu, mais rapidement tombe dans une posture apathique.


Un théâtre d'ombres chinoises. La scène est une forêt, une rivière la traverse de part en part. Deux ombres de petits garçons, l'un est plus grand que l'autre, apparaissent sur la gauche de la scène. Ils gambadent vers la droite en se tenant la main. Quand ils traversent la rivière, le plus petit tombe dans l'eau, et se débat tandis que le plus grand le regarde sans bouger.

Une ombre de petite fille apparait à la droite de la scène. Elle marche vers la rivière et tend la main au garçon tombé dans l'eau, et le hisse sur le rivage. Tout deux, main dans la main, s'éloignent en gambadant vers la droite tandis que le plus grand les regardent s'éloigner, sans rien dire.




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