mardi 26 février 2019

Le trou. Mathias Richard [2014, inachevé]


Le trou

J'ai un trou dans la gorge, une plaie qui ne veut pas se refermer.
Cette zone, ce trou, cette douleur, a été scanné, ausculté, examiné, tâté, filmé.
Rien, m'a-t-on dit.
Je me demande comment il est possible de souffrir autant quelque part sans que personne ne puisse le voir, même en s'adjuvant de technologies, savoirs et machines.
J'ai un trou dans la gorge, que personne ne voit. Y compris les docteurs que je paie.
Quand je dis trou, ce n'est pas au sens strict, c'est un trou noir, de douleur, autour duquel tout tourne, dans lequel tout s'engouffre.
Un trou, dans lequel il y a du souffle.
La souffrance du corps est ce qui nous rapproche tous, humains, animaux, qu'on le veuille ou non. La souffrance du corps est ce qu'il y a de plus éternel – jusqu'à nouvel ordre (robots, transhumains, cyborgs, IA).
C'est un trou qui respire et qui empire à chaque nouvelle respiration. Il brûle, il siffle, il gonfle, s'étouffe lui-même.
Mourir très lentement, étouffé par son propre mucus, ses propres sécrétions, tout en ignorant combien de temps il reste encore.
Plusieurs fois, l'intérieur droit (le cornet droit) de mon nez a été cautérisé, en anesthésie locale, et en anesthésie générale. De grandes douleurs. Un an pour me remettre de la seconde opération. Et pourtant, inexorablement, l'intérieur du nez se remplit de chair à nouveau, je me remets à lentement étouffer. M'en réveille la nuit, l'air pour respirer ne passe plus.
La souffrance nous réunit. Certains plus que d'autres. Mais tous.
Tout mon côté droit est bouché, nez, gorge, amygdale, bronche, poumon, je parle uniquement avec mon côté gauche, comme une stéréo au bouton bloqué.
Dans ce trou, il y a beaucoup de matières, qui sont de la matière encombrante, obstruante. De la vie qui se retourne contre elle-même et croît maladivement jusqu'à s’auto-écraser.
Heureusement, cela ne fait mal que quand je respire.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire