Putain j’ai plus de clopes. T’aimes la moto ? A deux sur une 125 trafiquée à travers les champs tout juste moissonnés et aplatis. Sur la route du tabac on double une voiture par la droite sur le bas coté, des feuilles de maïs qui tapent dans les jambes, en dépassant la Volvo V70 immatriculée KZ61 TT3 conduite par un couple d’anglais ahuris : je gueule “WELCOME TO THE PICARDIE !” Un kilomètre plus loin on manque de percuter une pute dans un virage serré. Elle négocie un tarif avec un connard en Xantia mal garé à l’entrée d’un bois. Le tabac s’appelle “LE FUN”. Brandon, en chemisette noire AIRNESS, collier en argent bien en évidence sous les rabats du col, nous file trois paquets de clopes en nous demandant s’il y a un peu d’action ce soir. Pas plus pas moins que d’habitude, on va se mettre la tête en vrac à la fête, passe ton 06 qu’on te tienne au courant. Décollage. Moto. Dérapage. Débarque à l’improviste chez Valentin. Tony rigole une nouvelle fois en lisant son petit écriteau “Attention ! CHIEN MORT” mais Tony n’aime pas vraiment les chiens je crois. Un jour il jouait à la pétanque dans un parc et un type un peu cinglé s’amusait avec un espèce de pitbull en liberté, le faisait courir partout en faisant le malin et le pitbull est venu dans le jeu et il a bougé le cochonnet, Tony a échangé quelques insultes avec ce fils de pute épais comme un bâton de majorette habillé comme un jeune de la tête au pied en jogging LOTTO blanc et le chien s’est jeté sur Tony - CROC le mollet - et Tony - une boule de pétanque dans chaque main - fait BOOM BOOM BOOM dans la tête du chien jusqu’à temps qu’il s’affesse sur le sol dans un bruit de sac d’os. Le type doit encore en chialer à cette heure ci, j’ai appris plus tard que la vie avait été plutôt hard core avec lui, Jojo le mec de la buvette m’avait dit : « tu me crois si tu veux mais le type là en face hé ben son fils s’est suicidé, sa fille a tuée son mari et sa femme a une sclérose en plaque qu’elle peut plus bouger d’son lit, et aussi sa deuxième fille est enceinte d’un gars de Chaipatrohou, elle a 14 ans. » C’est ce que Jojo m’avait raconté à la buvette de la brocante. On nous fait patienter un moment dehors, je sais pas trop ce qu’il fout, la nuit tombe, le ciel est bleu colbalt orageux, des champs à perte de vue, même pas un pylone ou un arbre pour casser la ligne d’horizon, et cette terre retournée mi ocre mi paille. Ca c’est la Picardie, l’esprit de la Picardie, la matière première dont on fait des mondes.
Ce soir c’est la fête au village après la brocante mais avant tout il faut commencer par l’apéro. Apéro + Barbecue. Une création maison : le barbecue à usage unique, bricolé avec un caddie et des palettes en bois. Directement sur le parking du Carrefour Market à deux pas des manèges et des caravanes de gitans. On ne voit que lui sur la place du village. Tout le monde vient le saluer, raconte sa vie avec peu de mot, regard d’homme brisé. Confession d’un ivrogne : Je suis le mec que tu n’oses pas regarder dans la rue je ferai toujours une tête de plus que toi. Une croix de Jésus tatouée sur le front juste entre les yeux façon artisanat de prison, mon troisième oeil, celui des vrais chrestiens, tatoué taulard, cancer tout juste décarcéré, relâché dans la nature à la recherche d’une bonne affaire pliée en deux temps trois mouvements. Voila ce que je te dis d’un seul coup d’oeil. Tu veux tester ? Caïd hardcore jusqu’à la mort / tes punchlines d’handicapé certifiées produit de banlieue tu te les gardes pour les gamins de ton quartier / Moi j’te dégonfle d’une poignée de main. Regarde moi bien, miroir, mirador, escadron, esclave, j’te télécharge sur mars, drone lymphatique, tu viens d’passer dans l’autoportrait en France numérisé, prête pour le musée. Moi j’ai jamais porté de piercing. Jamais porté de tatouage quoi que ca m’a tenté un moment je voulais devenir tatoueur indépendant no fisc no ursaff no formation no hygiène no swag, un peu dans l’esprit du tatouage de prison que tu fais vers 4 heures du matin avec une bouteille de sky dans le cornet mais aujourd’hui tout le monde veux du propret, du tribal, des étoiles, plein la tête, plein la nuque, des signes astrologiques chinois. Quand je me balade dans les brocantes et que je vois tout ces ploucs en pantacourt et tee shirts sans manches qui arrivent au raz des épaules avec des calligraphies dégueulasses sur les bras je leurs fais croire que je suis prof de chinois et qu’ils ont écrit sur le bras des mots tels que CULTIVATEUR, CLITORIS, CHIEN DES STEPPES, CADAVRE ou CANCER - voila pour les mots en C - mais que bon oui c’est joli et sympa pour draguer des vendeuses de Sephora dans les boites de nuit - après y’a des combinaisons - ca marche toujours par trois les signes chinois : BONJOUR CANCER ANUS / SUCE CADAVRE FARINE / MANGER SA SOUPE COMME ON BOIT SON CACA. Y’a dix ans ca faisait mauvais genre de porter des tatouages plein les bras aujourd’hui c’est à ca que l’on reconnaît les gros blaireaux et les sales bâtards. Dans dix ans il n’auront plus de place sur la peau faudra leur tatouer des têtes de mort directement dans l’intestin. Quand je vois tous ces vieux en puissance je me dis vivement la retraite que j’attrape mon cancer. Moi je suis cancer. Je te sauterai pas à la gueule comme un lion ou un bélier. Je fais deux pas de côté et je te laisse passer avec ta violence, et si tu l'acharnes, je te brise les couilles avec mes pinces. Cancer VS Scorpion : j'ai cherché la même veste que le type dans Drive, le film avec les bagnoles, avec sa veste matelassée blanche et un scorpion dans le dos. Trop cher, trop style, trop con, beaucoup trop facile pour tout dire. Je voulais un crabe brodé, un cancer, mon signe zodiacal. C'est quand plus cool de pouvoir répondre "LE CANCER" quand on te demande ce que tu portes sur le dos. Alors j’ai acheté une machine à coudre Singer à Emmaüs et j’ai gravé mon crabe maléfique au dos. Cancer en fil d'argent sur veste militaire moitié camo moitié broyé. J’en brode sur toutes mes fringues. On m'appelle le Crabe désormais. LE CANCER arrive chez toi. Dans ton village, sur le bord de la route, dans ton bar préféré, dans le fond de tes poches dans ton paquet de clope de ton slip slap slop ton trou à rat dans lequel tu te terres pour échapper au destin. Je m’intègre dans une conversation, le groupe parle de leur petite vie, de leurs connaissances, de leur boulot à la con avec leurs collègues débiles et leurs chefaillons qui se prennent au sérieux, de leurs copains, de leurs statuts facebook, de leur petit cul plus très frais. Ils m’ignorent superbement et continuent à parler parler parler bla bla bla bla bla parler/parler bla/bla gloubi/gloubla/blablabla : visiblement, ils n’ont pas du accepter ma demande d’ami. Il y avait cette fille qui parlait plus fort que tout le monde pour attirer l’attention, elle devait sucer comme une vraie déesse avec les deux paquets de clopes qu’elle s’envoie tous les jours. Ca doit rouler tout seul comme sur le goudron, son mec était bourré/affalé sur une chaise, tout le monde rigole c’est le bon moment pour faire mon intéressant aussi alors je bois une rasade de J&B au goulot, repose la bouteille tant bien que mal sur le rebord de la cheminée, je sors ma bite et j’essaye de lui pisser dessus sans trop de succès car bien trop bourré pour viser et je cris : « PHOTO !!!!! PHOTO !!!!! PHOTO !!!!! » Personne ne rit alors je pars me rafraîchir au toilettes je tombe sur un extincteur : « CE SOIR C’EST SOIREE MOUSSE LES COPAINS » et j’asperge toute la bande de connards sans en louper un seul tellement ce truc balance la purée dans tous les sens. C’est souvent à ce moment là qu’une main invisible m'attrape par le col pour m’envoyer prendre l’air frais.
Je me lève le lendemain avec les dents du fond qui baignent. On est au chômage et y a pas moyen d’être tranquille. J’envoie des messages à n’importe qui et n’importe qui m’envoie des messages. Le chômage c’est cool, ouais, sauf que j’ai what1000 messages sur mon portable pour me dire que je suis un véritable connard - qu’à chaque fois je suis là pour gâcher les soirées - qu’à cause de moi plus personne ne veut du groupe dans les concerts ou dans les soirées - mais qu’est-ce qu’il en ont à foutre du groupe ? Le groupe ? C’est moi. Il est déjà 14 heures et pas lavé, caleçon sur les fesses, survêt’ DOMYOS sur le dos, je me cuisine une cuisse de poulet au paprika. Quand je la sors du micro onde j'entends comme une petite voix qui grésille dans une radio, je cherche qui me parle tout bas et putain c'était le poulet qui faisait ce bruit. Même mon micro onde s’amusait à me transmettre des messages. Il donne la parole à une cuisse de poulet au paprika. Tout le monde veux me dire quelque chose, j’ai un message pour vous, offre spéciale, un poulet qui parle et mon cul c’est du compost ? Tronçonneuse batteuse, tracteur à vapeur, donneur kebab universel, sabre vibrolaser, JE SUIS INTERESSE PAR VOTRE RECEPTEUR TNT POUVEZ VOUS ME DONNER VOTRE ADRESSE ET LA DATE ET L'HEURE A LAQUELLE ONT PEUT SE RENCONTRER CORDIALEMENT OUI BONJOUR AVEZ VOUS ENCORE LA TELE A VENDRE. J’en avais plein le cul de la télé, des séries, des films, de la radio j’avais tout débranché même internet je n’avais rien à y foutre mon compte facebook était un repaire d’abrutis qui m’informait de leurs horaires de ménage et l’avancée de l’installation du carrelage de leurs chiottes entre deux photos du clébard qu’ils ne s'empêcheront de foutre à la SPA le jour ou la miss crachera un ou deux aliens d’entre les cuisses. Cela faisait même des mois que mon ordinateur n’avait plus la moindre trace de site porno. La masturbation est un cancer disait-on dans l’ancien temps. Je ne savais plus quoi faire pour descendre encore plus bas. Comme l’Apocalypse tardait à venir, on se contentait de rediffuser la fin du monde sur les écrans. Alors putain c’est le moment d’aller faire un tour à la ville.
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