Connaissance des terminus
Habiter dans le centre ou la périphérie, cela change souvent beaucoup de choses. L'habitant de la périphérie a une conscience plus nette de l'ensemble de la ville. L'habitant du centre a une conscience floue et imprécise de l'extérieur de son périmètre vital. Il est souvent frappant de constater qu'il ne cherche pas à explorer, découvrir, visiter les zones urbaines qui l'entourent, et dont une forte proportion des passants qu'il croise est originaire (son manque de curiosité finit par créer chez lui une crainte sacrée, irraisonnée, basée sur les fantasmes nés de l'ignorance, de ces zones, ces quartiers, qui sont pour lui des forêts vagues, touffues, inexistantes, impénétrables, dehors, dangereuses, sans intérêt). Cette opposition binaire évidemment simplifie atrocement la multiplicité des couches, des cercles urbains : il y a différents degrés de périphérie, différents degrés de centre. L'individu faisant partie du tout tout en étant le plus périphérique est théoriquement censé être le plus conscient de l'ensemble, car, à moins de sombrer ou de refuser la logique dans laquelle il est présent, il devra faire le plus de traversées et connaître donc le plus de zones, et se situera clairement par rapport à l'ensemble ; l'idée de base étant que chaque habitant est plus attiré vers le centre dans ses déplacements que vers sa périphérie. Celui qui prend un transport en son terminus connaît toute la ligne !
(Et, par extension chamanique : quand on connaît la mort, on connaît toute la vie).
[écrit en 2000]
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