lundi 21 janvier 2013

Discours de réception du prix Nobel de Littérature par Hemingway, en 1954, pour son livre : "le vieil homme et la mer".


"Messieurs les Membres de l'Académie suédoise, Mesdames, Messieurs,
Comme je n'ai aucune facilité pour faire des discours, ni le don de l'éloquence, ni le sens de la rhétorique, je désire simplement remercier de ce prix ceux qui gèrent la donation généreuse d'Alfred Nobel. 
Tout écrivain, sachant quels grands écrivains n'ont pas reçu ce prix, ne peut l'accepter qu'avec humilité. Il est inutile de dresser la liste de ces écrivains. Chacun des assistants peut dresser sa propre liste selon ses connaissances et sa conscience. Je ne saurais demander à l'ambassadeur de mon pays de lire un discours dans lequel un écrivain dirait tout ce qui est dans son coeur. Ce qu'un homme veut dire n'est pas toujours immédiatement perceptible dans ce qu'il écrit et, pour ce qui est de cela, il a quelquefois de la chance ; mais, à la fin, ce qu'il veut dire deviendra tout à fait clair et c'est cela, et le degré d'alchimie qu'il possède, qui déterminera s'il durera ou sera oublié. 
La vie d'un écrivain, en mettant les choses au mieux, est une vie solitaire. Les groupements d'écrivains pallient la solitude, mais je doute qu'ils améliorent son style. Son importance grandit aux yeux du public lorsqu'il renonce à sa solitude, mais souvent son oeuvre en souffre. 
Car il oeuvre dans la solitude et, s'il est assez bon écrivain pour cela, il doit chaque jour affronter l'éternité, ou son absence. 
Chacun de ses livres devrait être, pour un véritable écrivain, un nouveau commencement, un départ une fois de plus vers quelque chose qui est hors d'atteinte. Il devrait toujours essayer de faire quelque chose qui n'a jamais encore été fait, ou que d'autres ont essayé de faire, mais en vain. Alors, quelquefois, avec beaucoup de chance, il réussira. 
Comme il serait simple d'écrire s'il fallait seulement écrire autrement ce qui a déjà été bien écrit. C'est parce que nous avons eu de si grands écrivains dans le passé qu'un écrivain est maintenant obligé d'aller très loin par-delà l'endroit qu'il peut normalement atteindre, là où personne ne peut plus l'aider. 
J'ai parlé trop longtemps pour un écrivain. Un écrivain devrait écrire ce qu'il a à dire au lieu de parler. De nouveau je vous remercie." 

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