vendredi 15 mars 2019

POETRY BODY MUSIC (PBM) - POESIE CORPS MUSIQUE (PCM)


POETRY BODY MUSIC (PBM) - POESIE CORPS MUSIQUE (PCM)


Catégories possibles :
poésie sonore rythmique
poésie sonore et gestuelle rythmique
poésie vocale et corporelle


Tout comme le syntexte et son archipel de machines dérivées, la machine hybride texte-corps-musique "Poetry Body Music" ouvre des possibilités et une nouvelle tendance dans ce qu'on appelait il y a peu (mais cela paraît déjà tellement loin !) la "poésie contemporaine".

Nommée en référence au courant musical « corpo-mécaniste » EBM (Electronic Body Music), la "Poetry Body Music" (PBM) ou "Poésie Corps Musique" (PCM) est une création utilisant les mots, la voix et les gestes, pensés de façon rythmique : agencés rytmiquement comme des mécanismes de machines. La création part non pas d'un texte écrit pour la lecture silencieuse, mais d'éléments de langage mécanisés, mis en boucle a capella, musicalisés de façon rythmique. Dans la PBM, chaque syllabe est une pulsation, une brique sonore, chaque syllabe tombe à sa place dans un ensemble dynamique tournant. (Voix en mouvement = mouvoiment !).
À chaque syllabe (ou bruit ou souffle) correspond un geste ou une attitude corporelle, une position. Ainsi quand la mécanique vocale se déroule, tout le corps bouge, traversé de tressauts, appuyant chaque syllabe, confondu avec elle, un avec chaque syllabe ou son ou souffle. On ne sait plus si c'est le geste qui entraîne la voix, ou la voix qui entraîne le geste, les deux sont unis, fondus. 
On cherche à créer avec tout ce qu'on est (corps, voix, pensée) une évocation animale des rythmiques produites par les machines et les ordinateurs, une poésie hybride qui ressemble à de la musique techno. 
Au sein d'une même pièce de PBM, il peut y avoir des propositions rythmiques différentes, avec un ou plusieurs rythmes principaux (lead) et quelques breaks (cassures, ruptures).
Ceci combiné (à des degrés variables, mais toujours moindres que le rythme) avec un jeu sur d'autres paramètres musicaux de la voix : hauteur, volume, timbre, brèves mélodies. 

Exemples : "R/O" (1) (2) ; "Mes mots sont animaux" (1) (2) ; "La vie n'attend pas" ; "Tournis" ; "Tout à".

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Digression. Le rock est le plus grand mouvement poétique du 20e siècle

Hormis le Lettrisme et la beat generation, le mouvement poétique le plus important du XXe siècle est le rock.
J'utilise ici le mot "rock" dans une acception extrêmement -et pertinemment- large (celle de toutes les musiques dites populaires, qu'elles soient enregistrées ou live, ayant une dimension d'excès ou de transe ou de singularité ou de rupture-cassure ou dionysiaque), englobant punk, rap, psychédélique, gothique, no wave, new wave, expérimental, hardcore, chanson, pop, industriel, électronique, techno... Ces univers, ces musiques, ces disques, ces concerts, ces gestuelles, ces imageries, ces cultures, ont créé des façons différentes et enthousiasmantes de s'emparer de la parole, de s'approprier les mots (ainsi par exemple le phrasé d'Iggy Pop, ou le phrasé de Captain Beefheart, ou toutes les techniques de cris des musiques violentes (hardcore, black, death...)), inventant beaucoup, et réutilisant, réinventant également parfois de façon sauvage les trouvailles des musiques dites savantes. Ceci a élargi la palette des possibles de façon exponentielle, dans les timbres, les rythmes, les associations son-sens, parole-corps, les bruitages, l'utlisation de l'électricité, l'utilisation de l'électronique, les audaces, et dans une logique naturelle de performance et partage, sans que cela soit seulement réservé à une élite pouvant en déchiffrer les codes.

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Dans « Poésie Corps Musique », il y a :
1/ « Poésie » : pour l'outil des mots, le travail sur le sens, l'élan ; 
2/ « Musique » : parce qu'il s'agit de vocalisation, de son ; en effet, même s'il s'agit de mots (lus ou dits, improvisés ou par cœur), je pense ici comme un musicien (et suis également musicien, par ailleurs). Dans le processus même de création, souvent je n'écris pas, je crée mes textes devant des micros enregistreurs, avec ma voix, dans la contrainte de la vocalisation, et c'est dans un second temps que certains deviennent des textes à lire avec les yeux – et encore : pas tous, certains ont des logiques qui restent uniquement vocales, dans l'association son-sens, dont la transcription est impossible ou laborieuse ou peu intéressante à l'écrit. Ce type de texte est, au mieux, une trace, la trace de quelque chose qui se joue ailleurs (dans le son et le geste), l'une des pièces d'un dispositif plus vaste et hybride qu'un dispositif uniquement textuel. Ce type de texte est une sorte de munition. 
3/ « Corps » : quand on dit et performe, c'est tout le corps qui est là. C'est un travail sur la voix, le souffle, la présence, le geste : la voix est le corps.
La PCM (Poésie Corps Musique) est une poésie qui vient du corps et s'adresse au corps autant qu'à l'esprit. Ou plutôt témoigne de l'indissociation corps-esprit (choses artificiellement séparées par le langage, la pensée commune, la civilisation – distinction que la poésie s'acharne depuis toujours à dépasser, ré-unifier, comme beaucoup d'autres distinctions binaires). Nous sommes corps jusque dans les mots, dans les pensées. Le langage est aussi un témoignage de l'animalité, en est partiellement une émanation, et est travaillé par elle.

Allons donc, allons tous, PBM-er dans les prés...  Scansions rituelles allant du chuchotement au cri, performances vibratoires entre la poésie et le chant, mots mis en voix dans des échos technos : la Poetry Body Music est une méthode excitante, actualisée, d'incantation !

Mathias Richard




Photo : Fred Trobrillant



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