jeudi 1 avril 2010

WALKÜRIE RÖDEÖ



Ces pin-ups ont la particularité d’avoir leur œil à l’intérieur d’un tube, lorsqu’une menace s’approche l’œil sort en s’invaginant avec une telle violence qu’il aspire le prédateur en son sein, avant de refermer sa surface sans une seule soudure résiduelle. Bouffi au bout du tube, la substance oculaire se contractant si fort pour broyer l’aliment que la pupille semble se lever par spasmes, l’œil ne peut redescendre qu’une fois la digestion terminée et comme il ne possède pas d’anus il s’ouvre à nouveau plusieurs fois et rejette. Certaines ont les yeux si ronds qu’ils peuvent rouler de leurs tubes et circuler en dehors.

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Des quatre rues qui convergent sur la place arrivent des chars, les CRS sortent leurs scabies-ball. Le fusil tire des scabies qui déterminent une gale en creusant dans l’épiderme des galeries où elles déposent leurs œufs : à ses points de rassemblement la foule brusquement dégoûtée par quelques congénères galés s’en recule et s’éparpille.

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Les pin-ups survolent en Harley-Davidson la manifestation, du bout de leur lance elles désignent ceux qui ont les plus beaux culs ou la langue la plus rapide, le nuage de gaz lacrymogène traversé par leur laser pour y former un canal d’air conducteur et, une fraction de seconde après, une puissante mort est envoyée vers la cible à travers ce canal. Les meilleurs tombent. Brûlés, perforés, matraqués, scabiesés, bidouillés du poumon ou égorgés, grenadés. Lorsque les ailes de sa moto s’écartent pour accrocher l’air ferme autour d’elle la jeune demoiselle vient se poser, son enveloppe charnelle serre si étroitement la force qui est en elle qu’elle semble prête de craquer et libérer un char d’assaut ou un jet, pourtant elle s’agenouille aux côtés du révolutionnaire mort, appose sa paume sur son front qu’elle relève, sans effort ni appui, et entraîne jusqu’à la moto, qui les emporte.

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Je fais le mort. A mon contact la paume se dissout pour se retendre sous mon front. Sa peau s’assemble à une densité venue de mon crâne. Elle m’asseoit sans que j’ai à m’accouder, mais le plus difficile pour moi est d’avancer en glissant sur la pointe des pieds, si le sol reculait, sans essayer de me rattraper et faire un pas.

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La citadelle immense, pour garder une certaine forme malgré la pression exercée par la gravité terrestre et protéger ses bâtiments qui gonflent et s’affaissent comme des organes, s’est constitué une charpente animale rigide, articulée, un squelette auquel se tendent les muscles. Un stade empli de pin-ups, à peine ses flancs se déchirent le quartier entier pivote à la verticale, sur lui, afin de l’accompagner dans son écroulement, s’entrouvrant ainsi lui-même en masse avant de se réajuster confortablement pour son sommeil tandis que le reste de la ville reste parfaitement fixe et inébranlé. Elle peut ainsi se redisposer sans garder dommage des bombardements et typhons qui la traversent constamment, musculeuse elle n’a pas l’aspect d’une montagne de muscles toute cette harmonie maintient sa colossale stature se révéler la bondir le Grand Soir.

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Vêtu de voiles courts et transparents, la poitrine maintenue par un soutien-gorge barbelé et des bas résille en maille d’acier, sa longue et souple chevelure tombant sur les épaules est alors tirée, nattée pour ne pas gêner le maniement des pénis, le vieillard barbu et borgne préside la table armé d’une lance, il boit et donne ses doses de viagra aux deux loups à ses pieds tout en inspectant chacun des convives que lui amènent les pin-ups par les 540 portes de la salle, pris de folie pour certains de nos costumes qu’il essaye immédiatement, enfourchant son Mig à huit ailes au nom du « Sang des ouvriers en colère » une casquette frappée de l’étoile rouge à l’allongée du bras, nous le saluons en retour dans un étalage de force brutale et sociale, puis nous continuons avec les pin-ups qui nous charment en nous remettant des décorations à l’effigie de roues dentées et machettes, poing noir, capsules Vostok, globe mondial, Kalachnikov, gerbes de blé, bombe H, compas, pinceaux, faucilles, marteaux, et les mélodies aux accents si troublants –« Avanti o popolo, alla riscossa, bandera rossa (bis) » ou « Que Faire ? »- qu’elles nous perdent toute agressivité et nous cessent toute défense devant le vieux qui vient nous chercher.

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Tout se passait donc pour le mieux, sauf que mes compagnons de banquet funkaient la mort, et que les pin-ups devaient sans cesse les faire se laver. Des petites cages de bain étaient ainsi pratiquées dans le sol, par lesquelles on les descendait ou poussait lorsqu’ils refoulaient trop. Quand j’ai commencé à comprendre les de telle sorte que du pourquoi du comment, avec toutes les mines fléaux biologiques guillotines pressoirs seringues hypodermiques garrots poires d’angoisse faux cocktail Molotov cigarettes-revolvers sas de décompression crochets de boucher qu’on vénère ici, sur des petits autels –avec coussins cadeaux et un antivol-, j’ai trouvé qu’il serait bon que je cache des morceaux de poulet sous mes aisselles. Après quelques jours on m’a invité à descendre.

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L’eau s’arrête de couler et c’est l’évier qui semble s’allonger sous la pression, happé par le silence je me redresse en m’accoudant au bord de la baignoire, suivant les surfaces métalliques mastiquées ou pompées de l’intérieur, après un réarrangement constant et infime entraînés les volants l’obturateur le tube, être pissés d’un jet court, penchant la tête vers mes genoux que je relève m’apprêter à sortir lorsque la force de déformation est suffisante pour arracher l’évier à la baignoire, soudain tiré à la verticale sous l’effort de câbles qui l’auraient marionetté de plus haut que le plafond, comme sur des jambes par manque de densité osseuse monte en se contorsionnant sur ses deux conduites d’arrivée d’eau, tandis que le pommeau de douche s’élance à la perpendiculaire si vite qu’il ne peut s’empêcher de pivoter lorsqu’il atteint toute sa longueur, balayer la surface du plafond.
Comme il est plus facile d’entraîner chaque mur en faisant propager une série de petites bosses plutôt que de les tirer ensemble, la tuyauterie a des contractions, la zone d’arrachement s’étendant ainsi à chaque sollicitation, le déplacement des dislocations se faisant par palier net aisément situable, jusqu’au point d’effondrement –assis dans ma baignoire au milieu de la rue– autour dissipé le bâtiment la plomberie seule se lève au-dessus de moi, puis roule en arrière, puis revient à moi.
Le choc donnait naissance à des échos en forme de taupinières sur la partie supérieure et les arètes de l’immeuble voisin, la tuyauterie s’animait avec une si grande force sous la façade que celle-ci ne pouvait s’empêcher d’accompagner cette circulation, et lorsque d’un mouvement lent de tout l’immeuble –s’essorer– elle le craqua à son tour, se fut en s’écoulant et pour ainsi dire brancher ses tuyaux à la première libérée, qui s’en trouve renforcée et d’assurer son équilibre commence à marcher.
Alors que ce mouvement forçait les tubes à décrire entre eux des tressages dont le dessin se modifie à chaque seconde selon la traction, le cisaillement, les cassures, des contrepoids les élevaient tout à coup aussi haut qu’il se pouvait, les repoussaient vers l’extérieur puis les rabaissaient, l’approche de la tuyauterie animant les canalisations qui entrent dans son périmètre la rue déchirée de profondes crevasses, les côtés de chaque immeuble semblant reliés entre eux par un arbre sont poussés et tirés alternativement, avant, au moment où les pompes transmettent un ultime mouvement mécanique, rotatif ou rectiligne, d’être vidés par succion de leur plomberie, et sombrer.

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Prisonnier au haut d’une tour dans un appartement en train de se vider pour la circonstance. Le plafond en petits groupes a des tentacules qu’il déploie jusqu’au sol, entourés d’une musculature longitudinale et d’une musculature circulaire –il s’enroule en s’allongeant et se rétracte en balayant tout le tentacule semble se contredire– afin d’envahir sans solution de continuité entre leurs mouvements, tandis que des bandelettes ciliées acheminent au long de leurs parois la nourriture au bec, les matières les plus grosses sont rejetées. Le sol désastre. En pieux, chiffons, éclats d’os, sommier à ressorts, carapaces de tortues, bris de verre, armures, perles.

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Je commence à m’échapper. Le plafond tentacule pour se nourrir.
Je commence par saisir un tuyau du radiateur en passant mon corps par la fenêtre, mais les pierres du mur suintent et à peine appuyés mes pieds en glissent, je préfère m’attacher au radiateur et faire des nœuds au long de mon corps, selon la méthode traditionnelle on fait une boucle qu’on appelle le puit et le serpent sort du puit, fait le tour de l’arbre avant de rentrer dans le puit, mais ces nœuds tiennent par tension et se desserrent facilement dès qu’ils n’ont plus mon poids, particulièrement où je noue des membres de dimensions différentes –ma hanche à ma cheville– à la moindre bourrasque c’est l’échevellement –tendon, os, veine, poisson, rembourrage, graisse, prothèse– aussi me faut-il me faire une boucle d’un côté avant de me saisir à pleine main de l’autre et me croiser alternativement à tous les éléments de cette boucle, jusqu’à ce qu’il me soit possible de m’y asseoir pour me hisser ou descendre sans qu’elle se défasse, je n’ai plus qu’à continuer jusqu’au sol, brutalement attaché à la moindre traction, autrement je coulisse bien à la main, me contentant par de beaux accroche-cœurs d’écarter un membre abîmé qui raccourcissent mon corps, sans le couper. A terre en virant au coude et à la paume je prends le temps de bien me lover autour de mon avant bras, enroulé de telle sorte que ne m’emmêle ni me tords, et une fois plié je me sauve en longeant les murs.

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Lorsqu’elles ne partent pas en manif, elles se plaisent à parcourir le pays sous l’apparence de filles-cygnes, on peut les voir se réunir autour d’un lac et quitter leur plumage, en chantant « L’aiga de rosa te fera morir, pecaire… ». Je suis le malin qui en profite pour le dérober à l’une d’entre elles et peux dès lors m’en faire obéir, l’agenouiller sans défense, la tenir dans l’obligation de me subir comme j’ai éprouvé son patron.

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