Le Général s'élança d'un trot
joyeux vers le bureau pour annoncer la nouvelle.
Avant d'entrer dans
son bureau, il remit de l'ordre dans sa tignasse, frappa deux coups
brefs. La réponse ne se fit pas attendre, il fut accueilli sourire
aux lèvres. Tout le bureau s'était réuni pour l'occasion, on avait
acheté quelques bouteilles. Les hommes se frappaient l'épaule en
riant, les femmes qui le faisait avaient l'air suspectes. Mais soit,
l'heure était à la fête, le chianti circulait et sa chaleur
illuminait tous les visages.
Après ¼ d'h de bavardages, le Général
demanda qu'on laisse place au silence. Il se fit immédiatement.
Après quoi, il leva son verre, et, le regard pointé sur la porte
d'entrée du bureau, le fit clinquer.
Deux esclaves firent leur entrée,
avec, dans leurs bras, des plateaux chargés de victuailles.
« Hourra ! Hourra ! », entonna la salle toute
entière.
Les plateaux furent posés à même le
sol. Trois femmes d'un certain âge conduisirent les esclaves vers un
coin de la salle, et s'occupèrent d'eux. Des bruits de mastication
résonnaient de tout côté.
« Hourra ! Hourra ! Le
dîner commence déjà ! », entonna la salle toute
entière.
Et en effet, les trois femmes furent
les initiatrices fortuites d'un mouvement qui se propagea comme une
traînée de poudre. Poliment, chacun attendit son tour pour mettre
sa gueule dans un des plateaux. Ressortir avec un morceau d'organe,
c'est rare, mais ça arrive. Et quand ça arrive, on parade comme un
coq. C'est ainsi que quatre, cinq personnes émergèrent du lot,
provoquant la jalousie de leurs collègues. On se groupait derrière
ces fausses idoles, jusqu'à les abattre, presque sans s'en
apercevoir. De ces trophées, bien vite, on récupéra des morceaux
de bras, de jambes, de torses, que les plateaux ne contenaient pas.
Cela créa une dissension, que les trois vieilles femmes réglèrent
d'un tour de main en intimant à l'assemblée d'entreposer tous les
morceaux au milieu de la salle, pour les embraser.
Ce fut un beau feu de joie, vraiment.
Le Général en personne avait l'arme à l'oeil. Il prit la parole.
Le discours qui s'ensuivit était un panégyrique du monde entier,
une ode à tout ce qui l'avait formé, et à tout ce qu'il laisserait
une fois partie. Une fois prêt, il laissa l'assemblée enthousiaste
l'allonger près du feu qui se consumait. On porta délicatement sa
nuque, de façon à ce que sa tête soit posée et bien prise dans
les braises fumantes.
« Hourra ! Hourra ! »,
entonna la salle toute entière, « nous vivons pour toi
Général ! ».
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire