jeudi 15 novembre 2012


Le Général s'élança d'un trot joyeux vers le bureau pour annoncer la nouvelle.
Avant d'entrer dans son bureau, il remit de l'ordre dans sa tignasse, frappa deux coups brefs. La réponse ne se fit pas attendre, il fut accueilli sourire aux lèvres. Tout le bureau s'était réuni pour l'occasion, on avait acheté quelques bouteilles. Les hommes se frappaient l'épaule en riant, les femmes qui le faisait avaient l'air suspectes. Mais soit, l'heure était à la fête, le chianti circulait et sa chaleur illuminait tous les visages.
Après ¼ d'h de bavardages, le Général demanda qu'on laisse place au silence. Il se fit immédiatement. Après quoi, il leva son verre, et, le regard pointé sur la porte d'entrée du bureau, le fit clinquer.
Deux esclaves firent leur entrée, avec, dans leurs bras, des plateaux chargés de victuailles. « Hourra ! Hourra ! », entonna la salle toute entière.
Les plateaux furent posés à même le sol. Trois femmes d'un certain âge conduisirent les esclaves vers un coin de la salle, et s'occupèrent d'eux. Des bruits de mastication résonnaient de tout côté.
« Hourra ! Hourra ! Le dîner commence déjà ! », entonna la salle toute entière.
Et en effet, les trois femmes furent les initiatrices fortuites d'un mouvement qui se propagea comme une traînée de poudre. Poliment, chacun attendit son tour pour mettre sa gueule dans un des plateaux. Ressortir avec un morceau d'organe, c'est rare, mais ça arrive. Et quand ça arrive, on parade comme un coq. C'est ainsi que quatre, cinq personnes émergèrent du lot, provoquant la jalousie de leurs collègues. On se groupait derrière ces fausses idoles, jusqu'à les abattre, presque sans s'en apercevoir. De ces trophées, bien vite, on récupéra des morceaux de bras, de jambes, de torses, que les plateaux ne contenaient pas. Cela créa une dissension, que les trois vieilles femmes réglèrent d'un tour de main en intimant à l'assemblée d'entreposer tous les morceaux au milieu de la salle, pour les embraser.
Ce fut un beau feu de joie, vraiment. Le Général en personne avait l'arme à l'oeil. Il prit la parole. Le discours qui s'ensuivit était un panégyrique du monde entier, une ode à tout ce qui l'avait formé, et à tout ce qu'il laisserait une fois partie. Une fois prêt, il laissa l'assemblée enthousiaste l'allonger près du feu qui se consumait. On porta délicatement sa nuque, de façon à ce que sa tête soit posée et bien prise dans les braises fumantes.
« Hourra ! Hourra ! », entonna la salle toute entière, « nous vivons pour toi Général ! ».

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