lundi 24 décembre 2012

Hildeberte



- Arrêtez, cria-t-elle, vous êtes en train de me violer !

Et en effet, c'était bien de cela qu'il s'agissait. 
Elle avait pour habitude, depuis l'enfance, de tirer à vue sur les gens dès qu'ils s'approchaient. C'était une habitude que sa mère lui avait transmise, mais qu'elle ne transmettrait certainement pas à ses enfants, puisqu'elle ne voulait voir personne. Si elle ne voulait voir personne, il paraissait naturel qu'elle n'eût pas de relations sexuelles avec qui que ce soit, et par conséquent, pas d'ovules fécondés, ni de démultiplication de cellules jusqu'à la formation d'un embryon. Et enfin, pas d'enfants. La lignée s'arrêterait avec Hildeberte, lignée qui n'avait pas grande importance, cela dit, puisque le résidu de sa famille était composé de cons, sur lesquels elle tirait à vue pareillement.
L'existence de Hildeberte se déroulait alors sans accrocs, sans anicroches et tout le fatras, depuis bientôt 30 ans. Conformément à son plan de vie, elle n'eût, dès l'âge de 25 ans, ni travail, ni amis, ni conjoint, ni confrères, rien, pour ainsi dire, rien, et elle en était très heureuse. Installée dans une maison au fin fond d'une immense plaine, elle coulait des jours tranquilles – ne faisant rien, ne pensant pas. Et si d'aventure, elle apercevait au cours de ses sempiternels promenades un badaud traînant le pied là ou il n'aurait pas dû, elle le tuait d'un coup de chevrotine bien senti en pleine poire.
Oui, dans ce qu'elle avait de plus cher ne résidait pas son cœur.

Mais voilà qu'un jour trois hommes se présentèrent à sa porte, sans qu'elle ne les attendît. Le premier faisait bien 2 mètres de hauteur, mais était fin comme une épingle, et nerveux comme un roseau pris dans une tempête. Il prit Hildeberte par les pieds, la tira sur le carrelage et l'attacha avec une corde qu'il tira de sous son manteau. Le deuxième était petit, ramassé et gros comme un ballon rempli d'hélium. Il arracha les vêtements de Hildeberte d'un coup sec et précis, et révéla aux yeux de tous son corps nauséabond de solitude. Le troisième, un nain pourvue d'une barbichette qui n'avait rien d'humaine lui demanda avec la plus extrême amabilité, après qu'ils eût fait leur affaire, de sortir de sa maison pour ne jamais y revenir.
Mais ça, Hildeberte s'y refusa.

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