mardi 5 septembre 2017

prenssée w {Haine du smartphone}



Nées pour être libres en 3D. Avoir internet dans son téléphone c'est avoir un trou noir dans la poche. Je cherche la fonction téléphone de mon téléphone. En ville, j’ai parfois l’impression d’être la seule à regarder le monde autour de moi, les autres regardent leurs écrans. Avec la massification des selfies c'est un peu comme si la masturbation avait été autorisée en public. Des visages différents mais les mots sont les mêmes. Le tél intelligent rend con. Conne. Loin de l'ordi en écrivant sur une feuille, j'ai l'impression de faire de la résistance. Mais je ne tiens pas longtemps !

Des écrans nous hypnotisent jusqu'au plus profond assoupissement que l'humanité ait connu.
L’âge numérique ouvre sous nos yeux l’éventail infini des chemins qu’on pourrait prendre, mais nous confronte en même temps à l’impossibilité d’emprunter toutes ces voies : ce double mouvement génère l’impression de ne plus avoir le temps pour rien. Intense conflit entre objectifs contradictoires. Nous ne réussissons même pas à rester assis tranquilles assez longtemps pour regarder un film en entier, parce que nous voulons en voir un autre. Il en résulte un montage disjoint, où nous sommes toujours en train de sauter d’une chose à une autre, de plonger et de réémerger. C'est comme si la colle psychique qui maintenait l'existence même était partie et qu'on s'éparpillait. C'est une perte de temps ; qui à l'intérieur d'elle crée une autre perte de temps. Qui crée une autre...

En 2012, le record de nouvelles drogues abstraites apparues sur la Terre a été battu. Désormais, chaque jour leur quantité double. La connexion au réseau Internet produit une attraction immense, exponentielle. 
Internet aspire mon cerveau et ma vie, je me sens proche des gens qui sont morts. Internet est un vampire, un vampire collectif, un vampire constitué de tout le monde qui vampirise tout le monde. Une horreur. Internet = une machine à déconcentrer. Internet = un espace de déconcentration. J'ai pas le temps, chuis trop occupé à rien faire. Je consacre la plupart de mon temps à écrire des commentaires sur Youtube et pleurer. Imagine-t-on le désert humain qu'il a fallu créer pour rendre désirable l'existence sur les réseaux sociaux ? Suis-je en train de faire la meilleure chose pour moi ? N’aurais-je pas le temps d’en faire une autre ? Comment optimiser mes possibilités ? Potentiellement, je pourrais être tout et son contraire, alors je me dis que je dois pouvoir être tout. Sculpture : Homme assis à l'ordi. Océan plastifié. Je ne sais plus à quoi je pense.

Réponse : Parti anti-ordi ? Cure de désintoxication informatique ? Stages intensifs à la sensibilité ?
Nous ne sommes pas faits pour fonctionner comme des ordinateurs, dit Schwartz, nous sommes faits pour l’impulsion.
La proximité, la communauté, l'interaction bon enfant, la possibilité primaire de se relier à l'autre : une chose qu'on ne doit jamais tenir pour acquise.
La littérature c'est le Vieil Internet. La littérature c'est une ancienne forme d'internet très très très lente.

Yeux ont tendance à recevoir une énorme charge d'information de l'aube jusqu'au crépuscule. Dès que l'on ouvre ses yeux, le cerveau commence son travail intensif, le traitement des images entrantes de l'environnement, y compris les images des écrans de télévision et les écrans d'ordinateur.
Pour nous sauver de la folie induite par un torrent en constante évolution d'images, de formes et de couleurs, d'informations, de signes et de messages, le cerveau filtre les informations.
Luttant pour sa survie et appelé à muter.

Il y a une paroi invisible entre vous et le monde, une paroi qui voit ce que vous faites. Narcissisme, conformisme, capitalisme. La vie est la pratique la plus onéreuse qu'on puisse imaginer.
Le désastre n'est pas à venir, il est déjà là. Y en a juste certains encore suffisamment protégés qui ne s'en rendent pas compte.

La vie est pire que tout ce que tu avais imaginé. T'es tarie, tarée. Ta vie est usée, délavée. Tu déprimes plus que tes textes. L'avenir est à celles/ceux qui ne ressentent rien. L'avenir est aux gens qui se suicident tôt. Tu as un terrible sentiment de solitude et par moments il est tellement fort que ça te paralyse. Les idées paralysées par la peur. Condamnée à l'incohérence dans le seul but de survivre. N'ayant rien pu construire, ni dans la vie, ni dans l’œuvre. De ses mille tentacules, l'angoisse s'éveille en toi, vite concentrée en un sentiment d'une force absolue. L'angoisse change ta voix, change tes pensées, change les molécules qui entrent dans ta peau. Notre cerveau est conçu pour éprouver de l'anxiété durant de courtes expositions, mais pas autant que tu sembles expérimenter. J'me réveille, je stresse. J'me couche, je stresse. Je mange, je stresse. Je stresse pas, je stresse. C'est compliqué.
Ton but : faire exister tes rêves dans le monde. Mais les gens sont tués, leurs idées supprimées, leurs travaux brûlés (noyés, dissous, brouillés). Si grande que soit l'artiste, si elle n'a pas ce qu'il faut pour la mettre en valeur, ses efforts élevés peuvent être perdus. Peu importe le nombre de livres que tu lis. Peu importe la qualité de ton travail. Tu ne seras jamais plus qu'une curiosité. Tu continueras à survivre le reste de ta vie sans projet ni espoir. Ne comprenant pourquoi ce désir qui était en toi n'était en personne d'autre.

Les gens qui expérimentent des émotions deviennent de plus en plus rares. La plupart des gens disent éprouver les sentiments, mais en fait ils en sont vides, ils en sont vierges, il ne ressentent rien sous la surface émotive sociale. La maturité dans la société moderne est devenue synonyme d'un déficit d'émotions. De ne rien ressentir intensément. 


***


Le progrès scientifique devient incontrôlable. Des avancées technologiques arrivent des décennies plus tôt qu'elles ne le devraient. Dépassées, les forces dissidentes et les forces de la poésie essaient une nouvelle stratégie : une sorte de morve ultrarésistante. La pression est si colossale qu'il s'y forme des diamants. Une sorte de morve ultrarésistante, qui pourrait constituer la poésie et la politique du futur. Cette morve est un ensemble de démarches, des mutations. Qui permettent l'émergence de langages et comportements singuliers : une mutantisation punk de la poésie sonore. Une mutantisation punk de tout. Poéscieberpunk, poéziberpunk. Épiphanie mécaniste. Tant qu'à avoir tes pensées mécanisées, crée tes propres mécanismes. Le mutantisme tel que tu l'aurais voulu : une tentative/entreprise nécessaire qui doit être façonnée et améliorée par chacun-e. Que les idées vivent par elles-mêmes, qu'elles aient leurs propres vies. La poésie mutantiste est une façon militaire de penser le langage. Militaro-chamanique. Les créations y deviennent de petits vaisseaux que les autres peuvent bricoler et emprunter. Aucune démission possible, ni vis-à-vis de soi-même ni vis-à-vis des questionnements collectifs. Laboratoire à la croisée de la science et de la poésie. Combinaisons à géométrie variable de certains éléments-clés. Ce travail souterrain de modification des coordonnées idéologiques, invisible pour l'essentiel au regard public, explosera soudainement et prendra tout le monde au dépourvu. Ces livres c'est la messe, il faut qu'on les lise comme la cabale, une drogue renouvelée. Et n'allez pas croire que la littérature est un accomplissement de l'humanité. La littérature est un énorme panneau d'avertissement devant l'humanité. Disant : ne croyez rien de ce que les humains vous diront. Ne faites pas confiance aux humains. Tout dans leur monde est fausseté, violence et instinct de domination. L'égoïsme et la vanité sont chez eux enracinés, implantés, indélébiles. Tu le sais. Car des millions d'esprits humains existent en toi.




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