vendredi 25 avril 2014

Slayer 2/3 (Reign in blood)



A la naissance nos poumons sont refermés sur eux mêmes. La première inspiration ne réclame aucun effort. Dans le yoga on apprend les notions de prana et apana. Le mouvement d’inspiration est naturel, celui d’expiration nécessite un effort, et conformément à la tradition numérologique, le souffle alterne chiffres pairs et impairs.
0 = une inspiration = le monde s’ouvre = non action (ou plutôt laisser faire).
1 = une expiration = le monde est mis à l’écart = dualisme de l’intelligence analytique.
On alterne jusqu’à 9 et l’on revient à 0 et ainsi de suite. 
Lorsque je médite j’utilise cette technique qui me permet de garder ma concentration (le manque de concentration, la procrastination et les digressions intempestives sont des défauts contres lesquels j’essaye d’opposer la résistance la plus ferme). Si l’on trouve le point d’équilibre entre expiration et inspiration, l’on atteint le point ternaire (ne cherchez pas sur google c’est un concept personnel) et l’on ouvre une porte sur un autre monde. En assimilant inspiration et expiration en un seul mouvement, c’est l’inverse, l’on pénètre dans le monde de la non dualité. Avec Slayer, n’espérait atteindre aucun de ces deux états. Vous êtes dans la version binaire de l’univers holographique. Si la première inspiration de votre vie ne réclame aucun effort elle vous brûle les poumons. C’est le baptême du feu. Le seul que je conçoive. S’ensuit votre premier souffle. La première parole. Le premier hurlement. La première vibration humaine de l’album Reign in blood est l’archétype du cri primaire. Je l’ai vu de mes yeux le cri primaire. L’accouchement d’une femme n’est pas un moment unique car il marque la naissance ou la venue au monde. Non, au bout de neuf mois, le foetus a eu tout le temps de se faire une idée du monde extérieur - bruits, langages, impressions tactiles, jeux d’ombres et de lumières lui sont familier. Il s’attend à tout sauf à une décharge d'oxygène qui viendra lui enflammer un organe encore inconnu pour une saison dans les abysses programmée pour durer le temps d’une vie. La naissance est une forme de sacrifice. Le ventre de la femme s’ouvre. Elle se livre entièrement laissant de côté toute autre émotion que la souffrance et la fatalité du parcours de l’enfant qui cherche à rejoindre la lumière en grappillant centimètre par centimètre / Pulsation / Contraction / Pulsation / Le corps de l’enfant doit passer. Coûte que coûte. La chair de la mère comme le crâne de l’enfant seront marqués à vie par le sceau du passage de l’utérus. L’innocence n’existe pas et je n’ai qu’une confiance relative dans les personnes nées par césarienne. D’un point de vue symbolique il y a quelque chose de malsain, de presque diabolique dans ce détournement des fonctions naturelles. Avant que l’idée de sacrifice ne soit inhibée par le christianisme sous la forme d’un rituel on en peut plus ennuyeux que l’eucharistie, il était courant, dans l’antiquité, d’égorger des bêtes, des béliers, des taureaux - la symbolique variait selon le cycle temporel. A l’ère du Poisson, forcément, nous sommes revenu sur des pratiques nettement plus soft core : rompre le pain le pain et boire le calice jusqu’à la lie. Je ne sais pas ce que nous réserve l’ère du Verseau, mais dans l’antiquité, disions-nous, il existait un rituel portant le nom de taurobole dédié à honorer la déesse Cybèle. Le candidat à l’initiation - une sorte de prêtre - était enfermé dans une cage au dessus de laquelle l’on venait placer le taureau. L’animal sacrifié, perclus de coups de lances, ployant l’échine sous une pluie de lames, chacune portant le poids d’un pêché à expier et la promesse d’une vengeance à venir, l’animal se vidait de son sang sur l’homme-prêtre-nouveau-né sous la forme d’une pluie dont il ne pouvait s’extraire sans être marqué lui aussi par la perte de son innocence. Il avait vu. Il avait accompagné l’animal jusqu’à sa dernière pulsation. Homme devenu animal regardant la mort à travers les yeux du sacrifié. Animal devenu homme regardant le dernier souffle de vie s’échapper à travers les yeux de l’initié. L’animal s’en va et l’homme revient au monde sous le regard hébété de ses congénères qui redécouvraient après chaque sacrifice la révélation sans cesse renouvelée de la Mort et de la Vie.

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