Agrégat synergétique
créer-chercher des trous entre les mondes :: et ils mènent ici. Un pont
Qui sont les "mutantistes" ? Souvent des gens très créatifs. D'autres qui ont des gros problèmes avec l'époque. Parfois les deux. Ou encore autre chose, fuyant toute définition.
Dans tous les cas : des personnes "en recherche", qui ne se se reconnaissent pas dans les tendances générales, ni dans les alternatives existantes.
Ils n'habitent pas dans les mêmes villes, voire pas dans les mêmes pays. Pas de logique géographique, possibilité de rencontres accélérée par Internet. Nous nous reconnaissons sous d’autres visages. Internet accentue et accélère la confrontation à l’étendue de la pensée possible. Cette confrontation nous fait parfois découvrir notre propre potentiel de mutation, et imiter les capacités des mutants que nous voyons.
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Certains ont fait le constat de leur impossibilité à faire partie d'un "milieu".
Certains ont traversé mille milieux sans jamais y trouver leur place, sans jamais y être tout à fait à l'aise.
Certains sont fractionnés, ont des personnalités fractionnées, et ne comprennent que les êtres entre plusieurs mondes.
Mutantiste : souvent entre plusieurs mondes (que ce soit : cultures, classes sociales, nationalités, personnalités...).
Certains se sentent plus proches de ceux à cheval sur plusieurs cultures, ou classes sociales, ou catégories mentales, ou pays différents, plutôt que de ceux confortables dans leur identité et leurs certitudes.
Pourtant, l'être humain a besoin de se sentir connecté à d'autres, à la vie à la mort.
De savoir que quelque part : Aide tu recevras et Aide tu donneras.
De sentir une connexion action-parole.
Cela ne me plaît pas de le dire, mais :
Ce n'est pas un temps pour les groupes, mais un temps pour les individus.
(Il suffit de voir la grimace des gens dès qu'on parle de collectif, groupe, mouvement...).
Les gens sont des petites usines d'eux-mêmes, occupés à produire du eux-mêmes. Et encore et encore et encore.
Et ils n'ont pas tout à fait tort de se méfier car les groupes -même les mieux intentionnés- se transforment vite (si l'on n'y prend garde) en lieux de hiérarchie et de mots d'ordres pas toujours discutables, et, finalement, d'exclusion (souvent de façon non dite, inconsciente).
Ce qui peut relier, le sentiment d'appartenance commune (si magnifiquement décrit par Antelme dans L'espèce humaine) a tendance à s'estomper. Foules anomiques, divisées, atomisées. Quand tout circule sans se rencontrer, le peuple manque.
Tout un appareillage technologique favorise cette présence/absence, le fait d'être quelque part sans vraiment être là, présent. Cette possibilité est aussi une chance (ubiquité, multiplicité et accroissement des contacts possibles), mais comme d'habitude le problème est l'usage qu'on en fait (fermeture, fuite).
Le mutantisme, bon gré mal gré, aimerait contourner cette "malédiction" de l'époque (cette incapacité à s'aventurer dans une aventure commune), avec, entre autres, son accent sur les singularités, relié à la question de la communauté et de l'intelligence collective.
Dans les expressions "rassemblement de singularités" ou "réseau asocial", la contradiction n'est qu'apparente, car le mutantisme essaie de trouver les vertus du groupe (émulation, soutien, critique, empathie, solidarité, excitation, sentiment du là-nous-maintenant) sans s'encombrer de ce qui peut rendre les groupes insupportables ou aliénants ("petites histoires", soumission à des figures gourouesques, mots d'ordre, relations pyramidales, ésotériques, etc.).
C'est pour essayer de contourner cela que, plutôt qu'un groupe ou un mouvement, le mutantisme est un agrégat (pour reprendre le mot de Nikola Akileus).
Le mutantisme ce sont des démarches personnelles agglutinées, agglomérées, s'interrogeant sur la possibilité d'un "nous" (sans doute inatteignable et illusoire, mais souhaité, rêvé). Arriver à rassembler les gens sans les enfermer.
Trouver une forme de regroupement, qui accueille chacun facilement en tant que singularité, sans que chacun renonce à ce qui lui est propre, à sa souveraineté, pour un mot d'ordre, une esthétique, un gourou, un chef, un papa, une maman, une figure verticale, ou une sorte de logique de milieu (de réseau, de tribu, de mafia), de conformisme aplanissant, simplement un regroupement "horizontal" permettant de partager ses vues, son travail, d'avancer avec plus de dynamisme et d'émulation, sans être coincé dans sa solitude (anomie, dépression, etc.), ni être pris dans une logique étouffante.
Faire quelque chose pour l'autre (pour une attente, une réception, un échange) démultiplie l'urgence, la puissance et l'élan créatifs. Se nourrir de l'échange avec les autres, et rendre décuplé ce qu'on reçoit, dans une logique de vie, de dynamisme, de transformation et d'amplification.
L'abandon de l'amitié pour une carrière basée sur l'individualisme a causé une grande perte d'énergie dans le monde littéraire.
Compare, un instant, l'énergie que l'on déploie pour un amour ou un ami proche, à celle que l'on déploie quand on est uniquement tourné vers soi-même.
(Kathy Acker) *
* The loss of friendship, the giving over of friendship to business based on individualism, has caused loss of energy in the literary world.
Think, for a moment, with how much more energy one does something for a lover or for a close friend than when one acts only in the service of oneself.
(Kathy Acker)
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Un des intérêts "objectifs" de la collaboration entre individus est ce qu'on appelle la synergie : 1+1=3.
Parfois des molécules sont peu efficaces séparément, mais la combinaison de plusieurs augmente le potentiel de chacune. Il s'agit du phénomène d'amplification synergique [}amplifergic{].
Quand le résultat d'une action ou d'un élément est supérieur à la somme des résultats des parties, on appelle cela synergie positive.
La synergie est le phénomène par lequel plusieurs acteurs, facteurs ou influences agissant ensemble créent un effet plus grand que la somme des effets attendus s'ils avaient opéré indépendamment, ou créent un effet que chacun d'entre eux n'aurait pas pu obtenir en agissant isolément.
Il y a un intérêt à associer certaines démarches.
Il y a un intérêt à essayer de dépasser l'égoïsme moyen et aveuglant qui empêche toute chose importante de se faire.
L'idée de tout groupe, de toute solidarité est mal vue aujourd'hui. (Il en va de même pour la notion d'altruisme. Ne parlons pas du destin des mots "gentillesse", "fidélité", devenus synonymes de faiblesse).
Chaque mutantiste comprend l'intérêt, y compris son propre intérêt égoïste (personnel), à s'associer, avec d'autres respectant sa singularité, pour améliorer son travail, sa démarche, sa puissance de modification, et son impact dans la société : dessiner le contour d'alliances objectives entre singularités.
Se relier à ceux qui ne se reconnaissent dans rien et qui se foutent d'"entrer en résistance" mais veulent créer de nouvelles choses (la meilleure défense c'est l'attaque).
L’heure n’est pas aux guerres fratricides, aux querelles de chapelle. Si il n'y a pas d'union entre les différents acteurs de la
psychodiversité, si il n'y a pas entre eux des formes d’alliance, d’entraide, d'organisation, de projet (en particulier hors commerce et hors institutions), ceux-ci seront balayés (c’est déjà presque fait), tels les Amérindiens s'entretuant au lieu de s'unir face à l'invasion européenne qui s'apprête à les détruire tous.
Là où vous habitez, créez vos cellules mutantistes.