/ Une de ces histoires avec des monstres de série B qui se terminent toujours dans un bain de sang
/ Épisode Pilote : Et l’inauguration du pédiluve Diego Maradona tourna au drame
/ Chapitres 4 & 5
Chapitre 4
Mystère Formen ne fera pas de mystères
Jean Dujardin gara son semi-remorque VOLVO FH12 dans la rue Michel Drucker, avec une sophistication jamais égalée. Aucun voisin n’aurait osé se garer sur cet emplacement. Le contrat était tacite dans la communauté, et toute entorse à cette tradition eut relevé d’un caractère sacrilège.
Il se gara au millimètre près malgré l'encombrement de l’engin.
En manipulant le volant, il croyait faire la fierté du voisinage sauf que tout le monde le prenait pour un con et se demandait comment un sosie de Jean Dujardin avec vingt kilos de trop et une moustache dégueulasse à la Thomas Sullivan Magnum avait pu mettre Sharon Stone dans son lit.
Mais c’est vrai quoi ? comment pouvait-on avaler cette histoire de sosie de Jean Dujardin avec vingt kilos de trop et une moustache dégueulasse à la Thomas Sullivan Magnum qui se tape Sharon Stone tous les week-ends entre deux courses à travers l’Europe ?
Un retour imprévu qu’il comptait bien optimiser : il avait ramené de quoi préparer une paella géante ; il revenait tout juste d’Espagne avec une palette de crevettes fraîches. Jean fut accueilli par les cuisses ouvertes de sa femme. Ce qu’il prit tout d’abord pour une invitation lubrique se transforma en un appel à la haine quand Sharon - complètement stone - lui raconta comment elle fut violée par des vampires en uniforme qui lui ont enfilé tout un tas de trucs dans les fesses et qui se dirigeaient tous à poil en direction de la piscine municipale.
Dans une fureur froide, le regard dirigé vers une piscine imaginaire, Jean Dujardin quitta la pièce pour retrouver son garage. Il saisit précautionneusement le code de son coffre à fusils, un code qu’il ne pouvait pas oublier puisqu’il s’agissait de la date d’obtention de son permis poids lourds.
Déclaré stérile par les médecins (« Je suis formel, vous avez les raisins secs, Monsieur Dujardin », lui avait déclaré le Docteur Saddam Hussein), il n’avait depuis jamais cessé de considérer son camion comme son enfant - et bien plus que cela ! - comme son fils unique qu’il n’aurait jamais eu.
Il l’avait conduit partout sur le continent.
Avoir fait découvrir l’Europe à son fils était l’une de ses plus grandes fiertés, avec la construction du dressing géant qui occupait le centre de sa maison, si ce n’était le centre de l’univers.
N’ayant que l’embarras du choix, Jean s’équipa d’un fusil à pompe REMINGTON 870 Synthétique Slug cal.12/76 et d’un fusil Unique Alpine TPG1 Calibre .300 Winchester avec kit sniper et visée laser qui lui permettrait d’éclater le melon de n’importe quel fils de pute à un kilomètre de distance.
L’air était chargé de phéromones à haute intensité. Jean Dujardin laissait apparaître un torse parsemé de cicatrices de guerre datant de la guerre d’Afghanistan au cours de laquelle il fut enlevé et torturé par des éleveurs de chèvre d’Al Quaïda. L’ambiance était tellement chargée de sueur que même l’objectif de la caméra transpirait de plaisir.
Cet homme avait une guerre à mener, et des amis prêts à en découvre avec la racaille. La fine équipe ne tarderait pas à nettoyer les rues de la vermine décadente.
Les festivités démarraient sur les chapeaux de roue dans l’enceinte de la piscine.
Laurence Boccolini, formes somptueuses, contreplaquée dans sa combinaison de cuir et de métal, animait les préliminaires de la journée. Un apéritif était prévu avant que ne commence véritablement l’inauguration, tandis qu’un match de water-polo était proposé à un public qui n’en avait strictement rien à branler du water-polo.
Sauf Laurence, qui aimait vraiment le water-polo.
Laurence qui nous présenta l’inventaire des membres de l’équipe de polo. Elle leur caressait le torse, leur frôlait le dos, un coup de griffe par ci, une pincette par là, passant en revue le charme athlétique des joueurs des deux équipes avec des sexes à la place des yeux. Les maillots de bain trahissaient des érections intempestives. Elle s’en régalait avec l’assurance d’une femme qui connaît l’étendue de son potentiel d’ensorcellement. Elle glissait un petit mot à l’oreille d’un grand blond, petit mot dont la décence m’interdit d’en retranscrire la nature, et sa main glissa tout aussi bien entre les fesses de cet étrange viking dont l’apparence androgyne donnerait des idées d’expérience interdite aux mâles hétérosexuels les plus hard line.
Il devenait urgent de lancer le match, avant qu’un incident ne vienne gâcher la fête, d’autant que les officiels en étaient déjà à leur troisième ou quatrième apéritif.
Un sosie de Mylène Farmer, de son nom de scène Mystère Formen, grimpa sur la scène qui surplombait la piscine en entonnant « Pourvu qu’elle soit douce ». Elle se dandinait comme un poulet et comptait bien sur les effets conjugués de l’alcool et de la chaleur pour transformer sa piètre prestation en une performance de haute voltige
Au fil des paroles, elle se déhanchait de plus en plus lascivement devant un jeune public composé des enfants de l’école Jean-Pierre Foucault et du Centre d’Aide par le Travail. Une rangée de fauteuils roulants, rutilants, astiqués pour l’occasion, huilés comme jamais, composait le premier plan.
La scène ressemblait à une répétition générale du Téléthon en plein mois d’août.
— Je fais des Ah ! des Oh ! Jamais ne me lasse, lança-t-elle dans les airs, l’entrejambe collé contre le métal d’un fauteuil roulant, sous le regard quelque peu dérouté (et surtout jaloux) des officiels qui voyaient le pantalon du jeune myopathe changer de couleur. À voir le sourire de l’handicapé, il s’agissait non pas d’urine mais une belle carte de France en 3D qui faisait tout honneur à Mystère Formen.
La performeuse remonta sur les planches et glissa comme une conne sur un ballon sorti des limites du terrain de water-polo et s’écrasa tout aussi connement la tronche sur un élément de sono avant de rebondir dans l’eau pendant que le son de la musique continuait en playback : « D'un poète tu n'as que la lune en tête / Des mes rondeurs tu es K.O. ! ».
Laurence Bocolini, femme enflammée des années quatre-vingt, se régalait. L’équipe de secouriste sortira Mystère Formen de l’eau avec une stupéfaction non feinte. La perruque en vrac et un gros plan sur la jupe collante, une belle bosse turgescente entre les cuisses.
SCANDALE !
Le grand mystère de Mystère Former fut mis à jour en direct. Et oui, au grand dam de son fan-club, le sosie de Mylène Farmer était un superbe travesti qui cachait bien son jeu.
Sa prestation fut un échec total, autant dire un must pour la postérité.
Chapitre 5
Dans ce genre de situation critique, une seule solution, faites appel à des professionnels
Accompagné de trois figurants innocents, tous armés de fusils de chasse, pistolets automatiques, dagues, couteaux, sabres, katanas japonais et de toute la quincaillerie nécessaire pour mener à bien une guerre civile jusqu’à son terme (pour ne pas parler de nettoyage ethnique, terme un peu moins glamour pour un positionnement pop culture), Jean Dujardin prit possession de la rue.
Avec sa voix la plus caverneuse, il déclara :
— LA LOI, C’EST MOI.
Première cible, un homme casqué, il portait une veste avec un gros écusson en forme de pizza. La marque de l’ennemi, pour sûr. Il courait au loin, sans but ni chaussures. Suspect à 200%.
Dans la lunette du fusil, un visage qu’il ne connaissait que trop bien, celui du moudjahidin anonyme, les souvenirs de Bagdad, Kaboul et Tripoli lui remontèrent en larmes de sang dans les yeux.
Étourdi par l’émotion, il loupera le livreur de pizza, bien trop agile dans son univers urbain - mais une grosse truie qui mangeait une pizza avec les seins à l’air sur le trottoir fera les frais de sa fureur vengeresse, par l’effet d’un ricochet malencontreux.
THIS WAS A FUCKIN’ HEADSHOT !
En arrivant près du corps, Jean Dujardin percuta l’erreur, il venait de tuer Catherine Deneuve, sa voisine. Il soupesa l’une de ses nichons et se fit la reflxion silencieuse que même dans ses meilleures branlettes, il ne se les imaginait pas aussi gros et fermes. C’est un peu de la douceur du monde qui s’apprêtait à disparaître dans les sous-sols d’un cimetière. Quel dommage... mais la guerre, et un accident de chasse... et ben, ça arrive, c’est la vie, et la vie, parfois, c’est triste.
L’un des figurants venait de trouver d’autres pizzas dans le petit coffre du scooter et quelques canettes de bières belges. Ils engloutiront le tout en suivant les traces des vampires qui avaient foutu un bordel monstre dans la rue, laissant derrière eux une tonne de fringues sales et de membres faisandés.
Le répit du livreur de pizza ne fut que de courte durée, en débouchant de la rue Edouard Leclerc, le jeune homme se jeta sous les roues du Range Rover de Jean-Claude Van Damme.
En arrachant les morceaux d’os et de cartilages accrochés aux jantes alu du 4X4 à la motorisation surpuissante, JCVD se demandait si tout cela valait le prix d’un plan cul, même avec Catherine Deneuve.
La poubelle installée gracieusement dans le quartier par les établissements McDonald’s fut vite remplie de déchets humains. Le plus dur fut de glisser les trippes du livreur de pizza dans la publelle sans en mettre à côté.
Jean-Claude jeta un regard aux alentours et décida de faire comme si personne n’avait rien vu, un coup de jet à l'Éléphant Bleu et le tour serait joué, ni vu ni connu. Le principal étant que le casque n’avait pas éraflé la carrosserie de son gros engin.
Nombre de questions lui vinrent en tête lorsqu’il entra dans la maison de Catherine.
La porte était ouverte, attendait-elle quelqu’un d’autre ? S’agissait-il d’une mise en scène érotique ? d’un jeu de piste qui trouverait son terme dans l’entrecuisse génétiquement modifiée d’une égérie des biotechnologies ? Et cet infirmier dans le canapé qui regardait les programmes de l’après-midi sur France 5, qu’est-ce qui lui prenait de s'approcher vers Jean-Claude, le pantalon sur les chevilles, en lui faisant des clins d’œil gros comme une décharge de calibre 12 à bout portant ?
Jean-Claude n’avait pas pour habitude de partager ses conquêtes, encore moins avec des prolétaires, et surtout pas un ambulancier qui bavait comme un chien.
Bien que de nature tolérante, il dégaina son arme de service, au climax de la tension homo-érotique, et vida son chargeur dans la tête de l’ambulancier. Le vampire n’eut pas le temps de tomber qu’il s’évapora en une nuée de miasmes putrides.
JCVD s’approcha du mur du salon criblé de balles. Ses réflexes d’ancien flic lui revinrent sans qu’il n’y prête attention. Il trempa son doigt dans le sang noirâtre qui collait au crépi imitation provençal. Le goût de ce sang était celui d’un vampire. Il aurait dû s’en rendre compte dès le départ.
Les vampires portent tous des têtes blanches de statues grecques défoncées par les siècles et les larmes noires d’une pornstar qui aurait un peut trop forcer sur le rimmel.
Dire qu’il se passait de drôles de choses dans le quartier n’était pas un euphémisme, il se passait vraiment de drôles de choses dans le quartier.
La maison était vide. La rue portait un corps. La ville ne pouvait compter ses morts. Jean-Claude hurla en retrouvant Catherine tragiquement plombée, les hanches déboîtées et les seins à l’air. Ce n’était pas le hurlement d’un loup-garou qui emplit l’atmosphère, ni celui d’un flic qui aurait perdu son coéquipier dans une fusillade inutile, non, c’était le genre de son qui serait apparu sur l’écran d’un détecteur de fréquence électromagnétique si un chasseur de fantômes s’était dérangé pour l’occasion.
Le cri de Jean-Claude Van Damme sortait du spectre des voix animales pour atteindre celui des couches les plus profondes du bas astral.
Le sifflement fit exploser tour à tour les moteurs des quelques voitures garées dans la rue, les luminaires, les canalisations et la mobylette PIZZA YOLO.
Le corps de Catherine ne put échapper au phénomène. La chair de la belle explosa comme une capote remplie de flotte jetée du troisième étage d’un internat de camapgne. Ce fut un mutant barbouillé de sang pourri, de peau disloquée, d’os broyés et de tripes dégoulinantes qui prit la direction de la piscine municipale.
Les buissons s'enflammèrent autour de lui sur son passage.
Le ciel prit la couleur pourpre de la fureur d’un dieu germain tournoyant autour de Saturne. La corruption des lois de l’univers sera à la hauteur de l’outrage à cet instant de désir cosmique à jamais profané sous les cendres de la Picardie.
Jean Reno retint son souffle.
Jean Reno venait d’entendre le cri qui avait échappé aux oreilles humaines.
Jean Reno savait que tout cela ne pouvait se terminer que dans un bain de sang.
Jean Reno regardait l’équipe de France 3 Picardie se préparer pour son décrochage régional.
Jean Reno observait la scène depuis une cachette située dans le plafond de la piscine aménagée par des employés qui avaient aménagé des loges pour mater tranquillement les culs des nageuses en faisant semblant d’entretenir la tuyauterie.
— Nous sommes en direct avec Gérard Holtz, notre correspondant local. Alors Gérard, comment se déroule cette inauguration ?
— Eh bien ma foi l’ambiance est plutôt festive, l’apéritif vient de se terminer et nous attaquons le buffet froid. Le cinquième fût de bière vient d’être liquidé, mais rassurez-vous, nous avons assez de réserve pour tenir l’équivalent du siège de Sarajevo.
— Donc tout va bien sur le plan de l’organisation, et sur le plan sportif, comment cela se passe-t-il ?
— Là, c’est un peu plus délicat, la chanteuse Mystère Formen, qui se produisait pendant le match de water-polo a eu un léger accident, comme on dit. Souvenez-vous de Mystère Formen ? ce sosie de Mylène Farmer qui avait défrayé la chronique en couchant avec des membres de l’équipe de Picardie de football... et bien il s’avère qu’il s’agisse d’un homme, et oui, vous entendez bien, un homme, avec un gros kiki dans le slip.
— Une information pas si surprenante que cela, enfin, je veux dire, il y avait une rumeur, bon, vous comprenez ce que je veux dire ?
— Oui mais j’ai encore mieux question nouvelles, du bien tragique, comme vous aimez. Dans sa chute, Mystère Formen a déséquilibré la scène et l’appareillage électrique est tombé à son tour dans la piscine, électrocutant les deux équipes de water-polo, instantanément cuits à la vapeur sous les applaudissements du public.
— Souhaitons-leur un bon rétablissement, et espérons, Gérard, que cela n’entrave pas la suite des festivités !
— Oh non rassurez-vous, selon certaines rumeurs, il paraîtrait que la ville est attaquée, au moment même où je vous parle, par une farandole de vampires en délire. Donc les officiels sont plutôt sereins pour la suite des évènements, ils assurent, sans langue de bois, que l’épidémie d’herpès sera résolue au plus vite, et Monsieur le Préfet, dans son infinie bonté, nous a déclaré en exclusivité pour France 3 Picardie que s’il ne s’attaquait qu’à un seul problème à la fois, il prenait toutefois le caractère urgent des évènements à leur juste mesure.
Ce fut le moment que choisit Béatrice Dalle pour apparaître dans le champ de la caméra, sourire flambant neuf, à la tête de ses troupes de choc. Tandis que les vampires se jetaient sur les gâteaux apéritifs et buvaient du Ricard directement au goulot, elle lança les hostilités en sautant sur Gérard Holtz. Mais au moment de frapper, ses canines ne sortirent pas.
Gérard Holtz fit preuve d’un sang-froid incroyable. Tel un motard survolant les dunes du Paris-Dakar, il continua à commenter l’évènement malgré les coups, il découvrait en même temps que les téléspectateurs que le sperme de loup-garou guérissait les vampires de leur maladie génétique, raison pour laquelle Béatrice ne pouvait rien faire d’autre que de mordiller le présentateur à travers sa chemisette France 3 au motif Vichy. Il n’était pas spécialement amateur de trip sado maso avec des dominatrices, mais il y avait quelque chose d’excitant à se faire mordiller l’épaule par Béatrice Dalle.
Immobile au milieu de la furie qui avait pris possession des lieux, la chef des vampires comprenait enfin la raison secrète de l’amour entre Léa et Jean, et surtout pourquoi sa fille avait tenté de se suicider. Si seulement elle avait su écouter cette enfant si différente des autres, bien qu’il s’agisse de sa fille unique.
Léa Seydoux retint ses larmes.
Léa Seydoux venait de comprendre que sa mère avait compris.
Léa Seydoux savait que malgré les remords et les doutes, les dés étaient jetés, et que tout cela ne pouvait se terminer que dans un putain de bain de sang.
Léa Seydoux regardait sa mère se faire dévorer sans rien dire par des hommes en uniforme à qui elle avait fait don de la maladie, avec toute la dignité dont pouvait faire preuve une vampire qui était redevenue mortelle.
Léa Seydoux observait la scène, toujours depuis cette petite cachette située dans le plafond de la piscine aménagée par des employés qui voulaient être aux premières loges regarder tranquillement les culs des nageuses et des pratiquantes d’aquagym.
Bob Sinclar saisit le changement de ton et lança son tube Rainbow Of Love, célèbre featuring avec Ben Onono. La piscine était devenue le terrain de jeux d’une orgie sexuelle et vampirique. Tous les vampires avaient rejoint le complexe. Détendus par l’alcool et les vibrations infrabasses, ils comprenaient que l’ambiance était maintenant au délire et la convivialité, que la vie était courte et qu’il fallait en profiter un max. Il sera toujours temps de vider la population de son sang plus tard.
Ils avaient toute l’éternité pour ce faire.
Jean-Pierre Mocky, allergique au sport, restait en retrait pour surveiller le bon état de marche de la pompe à bière. Fataliste, il se demandait si cette histoire n’était pas l’illustration de l’échec de la politique d’intégration des vampires dans la population civile. « Plus rien ne sera jamais comme avant », lança-t-il à sa chope de bière, comme la prophétie d’un Mangeur d’âme