mardi 30 avril 2019
VOTEZ EXTREME CENTRE
Ça sent le curry.
Beaucoup d’anecdotes tournent autour de nous.
Nous sommes entrés clandestinement dans une consigne automatique.
Tout est gris. Frigorifié.
Nous voyons sortir la révolution de notre bouche.
Nos mâchoires craquent.
Nous arriverons à accoucher par la bouche.
Le sang gicle à 360º.
Le groupe de gauche (LOUIS ET JACQUES) et le groupe de droite (PIERRE ET PAUL) posent tous deux une bombe (qui n’explose pas) dans le grand magasin 109. Le groupe de gauche car il y voit un reste de l’unité 731 (731 moins 622), une longue et lente expérimentation sur la jeunesse. Le groupe de droite car les valeurs véhiculées (celles d’une vague excitation de caniche devant l’image d’un post-survêtement) ne cadrent pas avec l’idéal d’abnégation et de réserve de l’Empire. Les anciens amis se croisent dans les étages.
LOUIS jette un oeuf par dessus les remparts du palais impérial avec un message écrit dessus à l’attention de Masako, la future impératrice francophone déprimée. Le problème c’est que c’était un oeuf cru.
PIERRE paye un guide pour lui faire découvrir ce qu’il ne sait pas encore qu’il désire.
JACQUES entre par erreur dans un club d’entrainement chikan (des culottes pendent du plafond, ils contiennent des oursins, pour la dextérité, etc.).
PAUL constate avec une horreur plaisante que sa femme ressemble à Fusako Shigenobu, alors qu'il s'engage secrètement dans la voie de l'extrême-droite nipponne. Il fréquente un bar de poche dans le quartier où le nationalisme se scarifie au whisky pour mieux gagner en pureté. Paul doit raisonner. Paul doit se mettre dans la peau de Mishima (une combinaison faite en peau humaine achetée dans une rue adjacente) rencontrant des étudiants gauchistes dans un karaoké. La ressemblance de sa femme avec Fusako Shigenobu (elle tient la Kalashnikov et se recoiffe devant la caméra) l’oblige à présenter un paquet de bonbons aux vieux étudiants gauchos. Par ce geste il dit : votre ratatouille révolutionnaire est un caprice d’enfants reliés au ventre de la mère par un cordon en caramel et finalement vous croupissez dans un présent effondré sur les sourires de chats autour d’une bombe sénile.
Bayroutt, petit village perdu dans les secrets du paysage. Là, s’entraînent les RGC (Red Grin Cat), des performers révolutionnaires, n’hésitant devant rien ni personne ni quoique ce soit (animal, idée, ordre incarné, chaos brandi) et ne vivant que d’une mission : « Pour s’immobiliser dans le ciel, il faudra tuer deux fois plus vite. » Les simulations d’attentats se succèdent à une cadence infernale. Le tout s’accélérant, si bien que tous se font de moins en moins visibles, perdus dans la canicule poudreuse, soutinienne, tourbillonnant doucement, au milieu de la place du village de Bayroutt.
Dans le Cessna, le groupe pratique le spiritisme d’extrême-droite pour faire venir à eux la Reine Rouge. Et c’est le Serpent qui se pointe ! celui qui serait le fils caché (Fann Ming, plutôt inconnu des médias) d’un célèbre chanteur (lui-même fils d’une célèbre psychanalyste d’origine russe) ; ainsi est-on amené à penser que l’artiste était bien le meurtrier en bikini au service d’une Cause. Avec son associé Ajay, il se lance dans une course nauséeuse, incontinente et confuse, entrecoupée de rêves sadiques, où on croise des hippies en train de mendier, des gangs de prostituées désœuvrées, des hommes d’affaires nerveux aux relents de MST, des langues sordides, des proies droguées, des strip-clubs laxatifs, miteux, des vendeurs miteux, des identités à la sauvette, des secrétaires sans-abri – une liberté à vous retourner le cerveau. Une vingtaine de personnes vomissant partout alors que quelque chose rampe dans les conduits de ventilation, quelque chose ou quelqu’un, vêtu d'une combinaison noire d’Irma Vep ; le Serpent criant : « Vas-y barre-toi le plus loin possible pour satisfaire ta curiosité obscène. »
Ça finit comme une histoire drôle puisque nous sommes tous les quatre dans un Cessna et qu’on va bientôt s’écraser sur une librairie de Shinjuku.
Je vous passe la description de la chute, du crash et des cris.
C’est la librairie Mosakusha.
Ces derniers temps, on a constaté que le patron de la librairie avait mis en avant des livres que nous n’aimions pas. « Parce que ça se vend mieux », c’était son slogan. Nous avons trouvé cela inadmissible. Une atteinte à l’honneur des Muses.
Nous sommes quatre Muses dans un Cessna. La blague s’arrête là.
Lèse-majesté infecte. Il y a des limites. Quand un entubé de la radio clame au chef-d’oeuvre parce qu’on le paye pour ça, ok, c’est un crime de guerre. Mais si le libraire de chez Mosakusha s’y met.
Nous aurions pu mettre ça sur le dos du fléchissement ou de la stupidité. Mais qu’un simple libraire, pour des raisons bassement économiques, censure notre vision de la nation poétique, on dit : stop, tu la fermes à jamais, ça doit cesser et notre Cessna fait tout sauter dans ta librairie.
C’est avec notre sacrifice au sein de ce genre de détail du monde que notre foi, nous l’espérons, se divisera en autant d’éclats d’inspiration mondialisés.
Si de beaux livres sont faits, même si vous n’êtes pas au courant, vous saurez au moins d’où cela vient.
N’oubliez pas nos quatre beautés incendiés dans l’embrasement de l’hélice sur le visage de ce traître de libraire.
N’oubliez jamais.
Car les merdias de leur côté diront : un client ivre met le feu à un sex-parlor tenu par des étrangers.
Ouais.
Et l’ambassade étouffera tout ça sous un tapis de légions d’honneur à deux cuisiniers et quatre entrepreneurs lécheurs de bottes.
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