samedi 17 octobre 2020

Le singe

 


Tout le monde te déteste, le singe. 

Lors des rendez-vous au point d'eau, tu ne fais rire personne.

Tu mets mal à l'aise tes congénères.

Tu penses manger le cerveau des plus petits à notre place ? Tu aimerais bien, psychopathe.


Elouette ne t'aime pas et t'ignore à chaque fois qu'elle passe dans les branches devant toi.


Ranar ne t'aime pas et est persuadé que tu aimerais bien avoir l'occasion de penser à la manière dont tu t'y prendra pour approcher sa guenon, peigne à poux à la main.

Et moi, je me demande chaque jour pourquoi je t'ai accepté dans la jungle, alors que tu ne peux ni te battre, ni te faire battre.


La jungle d'Alfred - https://lajungledalfred.blogspot.com/

vendredi 16 octobre 2020

Un courrier reçu


J'ai reçu ce courrier (courriel), que je trouve si extraordinaire que je le partage ici.
M.R.


"Ci-dessous, je vous raconte mon histoire avec l'un de vos textes. Cela risque d'être long et inévitablement bizarre.

---------------------------------------- TÉMOIGNAGE

Actuellement je me sens épanouie dans ma vie et je sais que je le dois à l'écoute d'une de vos créations, il y a un an et demi.

Je ne vous connais pas. Je ne sais rien de vous. Mais j'avais déjà beaucoup apprécié l'un ou l'autre de vos textes. Quand je vous lisais, j'avais l'impression d'être chez moi. Un vrai chez moi où je me sentais bien dans chaque pièce avec des objets et des meubles que je reconnaissais. C'est donc sans la moindre méfiance que j'ai lancé l’audio. Le sujet m'était familier, le style passait bien. J'écoute et bosse sur l'ordi en même temps (normalité quotidienne). Et puis, je n'ai pas compris.

Souvent les gens ont peur de la mise à nu, se retrouver sans rien, sans protection. Dans un premier temps c'est ce que je ressentis. Mais, il y a pire : l'intimité avec un corps étranger qu'on a pas invité. Le sentiment que quelque chose s'est glissé de manière insidieuse sous la peau et en soi-même, c'est dérangeant et peu de le dire. Ce son qui a empli l'air, mon air, mon espace, mon chez moi. Invasion, pénétration, intrusion, occupation. Je ne sais pas pourquoi ça s'est passé comme ça - enfin si, entre temps j'ai compris.


Il m'arrive d'avoir peur qu'on force mon firewall ou de me choper un troyen… bien sûr, je parle de mon ordi. Je pense toujours à protéger mon ordinateur.


Il y a un endroit en moi-même que j'avais volontairement condamné il y a longtemps - protection. Et vos mots, se sont glissés là, comme des vers, lentement mais sûrement, me grignotant l'intérieur. Des choses importantes que j'avais mis des années à construire. Invasion, déconstruction. Ils se sont immiscés partout, ont grossi et tout explosé. Expérience agressive. Impression d'être pénétrée de toutes parts, là où personne ne vient, même pas moi. En d'autres circonstances j'aurais peut être apprécié, si seulement il s'était agi de sexe, si j'avais été d'accord, je sais faire, je comprends, sais comment ça se passe. Mais, là, c'est autre chose. Manipulation psychologique sans doute. Quel terrible pouvoir. On en aurait brûlé pour moins que ça. Vous avez enfanté une créature terrible et malicieuse qui m'a défoncée l'être. Pardon, je suis directe, ne le prenez pas mal et si cela peut vous rassurer,  je vous promets que tout se termine bien.

Impossible d'écouter jusqu'au bout, je suis curieuse et prête à essayer beaucoup de choses, mais là, non, pas comme ça. Je suis en ruine. Il reste 2 minutes d'écoute. Me répète dans la tête "ce n'est qu'une voix, ce ne sont que des mots, que des mots que je connais déjà, des phrases que je connais déjà, c'est ridicule, c'est ridicule". Il reste 2 minutes, c'est ridicule et j’éteins quand même. Je suis dans mon salon, je devrais me sentir en sécurité, mais on dirait qu'il n'y a plus de murs, je vous entends toujours, c'est entêtant, embêtant, votre voix, encore là. Trop tard. L'air est comme vicié par les ondes sonores que vous avez produites. Je ne comprends pas ce qui se passe, ce qui m'arrive. Non, je ne prends pas de drogue, n'ai pas de maladie mentale, peut-être une hypersensibilité. J'ai besoin d'aide. C'est ridicule. Personne n'a besoin d'aide après avoir écouté de la poésie, ça se saurait. Je dois me reprendre, c'est n'importe quoi, je fuis dans la cuisine. Boire de l'eau. Agir normalement. je regarde autour de moi, c'est ma cuisine mais j'ai l'impression que ce n'est pas chez moi, idem dans le couloir, un regard inédit sur mon environnement… soudain un manque de cohérence, une perte d'adhérence. Et moi? Qu'est-ce que je fais ici? Pourquoi je suis là? Je ne sais plus. Je ne me souviens. Et même si j'arrivais à me souvenir, ce sentiment que ça n'aurait pas de sens.

Il y a quelque chose en moi qui n'est pas à moi. Quelque chose de vivant qui s'est logé là où j'avais fait le vide, quelque chose qui est allé fouiller et qui a tiré, extirpé ce dont je ne voulais plus. Ce morceau de moi-même dont je m'étais débarrassée - elle est morte - ce morceau que j'avais balancé parce que trouvé inapte à la vie - elle est morte - un cadavre qui remonte à la surface - elle est morte - flotte dans l'eau, exposant sa peau livide au soleil. Mais je n'en veux pas. Elle est morte. Et j'entends toujours cette voix, ces mots, je n'en peux plus, ça me pénètre en profondeur, pitié, à l'aide. Je suis en colère. Vous n'avez pas le droit. A cet instant, je vous en veux. Je sais que ce n'est pas vous, que vous n'y êtes pour rien. Pourtant, c'est vous ou moi, quelqu'un doit être responsable et de toute évidence ce ne peut être moi. Je me sens fragile, explosée, nue et sans ossature. A l'aide ! 

Debout tétanisée dans la cuisine avec mon verre d'eau, essayant de reprendre le dessus. La porte s'ouvre, ma coloc. Bien sûr qu'elle peut voir que ça ne va pas. Mais comment lui raconter? De l'aide, j'essaie. Ça va être comique. J'essaie de dire, d'expliquer tout en me couvrant sans cesse les oreilles d'un geste protecteur. Je me revois, les larmes aux yeux, pleine de colère disant "ça m'énerve! ça m'énerve! On a pas le droit de faire ça !" Je suis là perdue et ravagée dans ma cuisine pendant que lui (vous) "il est je ne sais où en train de parler avec sa bouche" - je fais des petits becs avec mes mains que j'agite dans tous les sens - "il balance des choses comme ça, à tout va, sans se soucier de rien, ça me fait mal !". J'ai fondu en larme et elle a éclaté de rire. Je me suis excusée. Dire combien c'est insupportable d'être assailli par les pensées d'un inconnu, comment j'ai mis péniblement 9 ans de ma vie à tout reconstruire et que vos mots ont posé une bombe qui a tout détruit, dire comment les murs ont été pulvérisés, juste au son de votre voix. Comment ce truc m'a pénétré tous orifices, interstices et intérieurs, que je peux presque le sentir physiquement dans ma tête, ma poitrine, mon ventre. C'est dégueulasse. Si au moins je vous avais rencontré, si au moins nous nous connaissions un minimum, je vous aurais appelé, je vous l'aurais dit avec MA voix, tout doucement mais fermement : "Mathias, c'est dégueulasse". Il y en a partout, c'est visqueux, gluant, grouillant, j'en suis pleine dedans, dehors, dans tous les pores. Et, je suis toute seule pour faire le ménage.

Ne me touchez pas - laissez-moi - ne me touchez pas - si ce n'est pas vous, c'est qui, c'est quoi - ne me touchez pas - je ne veux pas être touchée - pourquoi vous faites ça - je ne sais pas quoi faire de cette chose que vous avez créé - ne me laissez pas seule avec elle - elle me fait peur - elle est indomptable.

Parfois je surveille les ports de mon ordinateur. Juste vérifier qu'il n'y ait aucune connexion anormale. Non, tout va bien. Il va bien, lui. Il ne ressent rien, lui. C'est comme s'il n'existait pas. D'ailleurs, il n'y a pas de "il", lui n'est personne. Et, elle n'est plus.

Je veux être une machine - un ordinateur - ne rien ressentir - viole-moi en mp3, par usb 2.0-3, Ethernet -  je ne ressens rien - éternellement - pour toujours et à jamais ne rien ressentir.


Après... après, je me souviens ces deux jours à écrire presque en continu, y compris la nuit, pour extraire. Il me faut un vermifuge. Je ne sais plus quoi mais j'ai écrit des pages. Je voulais retrouver ma vie, comme elle était, avant. Rien - irréversible, irréparable. Et ce logiciel qui s'exécute en arrière-plan, la créature indélogeable à l’œuvre dans la pénombre, elle aime mes entrailles. Jour après jour, semaine après semaine, je la sens. Maintenant elle contrôle des parties ici et là. C'est son territoire et moi j'apprends à vivre avec elle parce que je n'ai pas le choix. Elle me fait faire des choses que je ne faisais plus. Progressivement, agir selon ses règles devient vital. Je prends des risques, elle m'épuise. Elle aime tout ce que je n'aimais plus. Elle est affamée, intense, et avec elle c'est toujours un peu dégueulasse, visqueux, humide. Il y a de l'eau croupie dans ses traces car elle est nécrophile.

Régulièrement ce monstre s'immerge dans la vase et va chercher le cadavre que j'avais noyé dans les profondeurs. Il lèche, avec sa langue, avec sa bave, la peau froide, pâle, les plaies, le sang séché du corps inerte, embrasse ses lèvres violettes, lui fait l'amour et l'aime comme moi je n'ai jamais su l'aimer. Elle était en demande mais je ne pouvais pas. Mon double. L'autre. Celle qui est moi mais je ne pouvais être elle. A force de soin et de stimulation, la créature la ramena à la vie. Elle ouvre les yeux, plonge son regard dans le sien. Elle n'a pas peur. Et ces mots qui lui sortent de la bouche comme un animal qui s'échappe : "touche-moi, touche-moi encore". Elle recherche le contact, le peau à peau, une étreinte, être saisie, être prise peu importe le sens pourvu qu'elle sente la chaleur, le sang qui pulse sous la manipulation des doigts, des mains. Sauvage, simple et déconcertant. Deux monstres copulent en moi et accouchent d'une femme.


Règle mathématique : (-) x (-) = (+)


Je l'aime cette femme. La partie qui me manquait, que je n'avais pu trouver, est soudain là en face de moi. Je peux la regarder, de près, avec netteté. Je comprends et reconnais son visage. Avec elle je me sens bien, je me sens complète. Réunie, je la serre dans mes bras jusqu'à se confondre, unifiée nous sommes. Je suis. 


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Beau et extraordinaire ce qui m'est arrivé, merci Mathias Richard.

Le monde n'a pas changé, la plupart de mes problèmes sont toujours là, cependant j'ai pu retrouver une forme de cohérence et d'épanouissement dans mon quotidien. Et je pèse mes mots en disant que c'était vital et urgent. Vous m'avez aidé à redevenir capable, le rêve de toute personne handicapée. Ce que vous créez peut réussir là où tout a échoué.

Il suffit d'un coup d’œil pour se rendre compte de la générosité avec laquelle vous vous donnez dans ce que vous faites. Je vous souhaite de recevoir tout autant.

Pour finir, j'ai conscience du caractère hors norme de ce mail, j'espère ne pas avoir dépassé de limites et si c'est le cas que vous ne m'en tiendrez pas rigueur.

Respectueusement."




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