vendredi 29 octobre 2010

La fortune qui sourit aux Sidoripares. Le fils réussit dans son école, même s'il est un peu nul en maths, il réussira surement en français ; à part ça, il tient la moyenne en EPS. Il a 16, 17 ans. Le père, renvoyé de son job de contrôleur de gestion, n'a rien à voir avec toute l'éducation qu'on a pu lui apporté durant ses premières années. Magasinier est bien pour lui, car comme ça il a quelqu'un à qui rapporter tous les événements qui se passent entre lui et son grand père. Ce dernier ne le reconnaît plus quand il est avec lui. Il a la maladie d'Alzheimer, pense-t-on, mais il ne l'ont jamais fait examiné, enfin, pas plus que ça.

Le fils Sidoripare part très tôt le matin, regardant sa famille entière avec un sifflement acide sur les lèvres. Rempli de questions sur le futur de tout ce qui est, il se voit pourtant mal demander à la maîtresse la réponse. Elle ne pourrait pas répondre, et cela angoisse le fils Sidoripare plus que tout. Ce serait comme savoir que ses dents ne sont plus pareils, jusqu'à la fin de ses jours. Ce pourrait être comme voir son propre sourire trembler. Il y va donc, et il s'assied à sa table. Ses petits camarades le trouvent et ensemble ils remplissent une classe. Le cours se passe, ils ne disent rien.

Le fils pense « Dieu, que de talents gâchés dans ces singulières conserves. Nous étions habitués à beaucoup plus avant et surtout beaucoup mieux. Le talent disparaît, tant mieux. Nous ne voulons plus que du talent ». Cette dernière phrase, il se l'adressait, se battant avec ses battements de coeur. Plus de doutes, il fallait tant grandir d'ici. On ne doute pas de ces journées, et ces journées sont comme gravées sur du marbre. Mais tout est conditionné, et le pire c'est que l'on doit en répondre.

Sonné, il allait et venait. Mais heureux que du bonheur, il y ait une pointe, il ne remplissait plus vraiment son devoir lorsque, parlant de son père, il s'exprimait en termes vraiment déplacés.

- Ce père est un fils qui vient de nulle part, avouons-le, commença-t-il en regardant fixement sa camarade de classe qui luttait pour manger son petit sandwich, si obnubilée par cet enfant. Il ne m'a jamais adressé la parole pendant mes six premières années. Que dis-je ? Neuf ans à peu près. A la dixième année, il m'aperçut dans le couloir. C'est tout. Je voudrais te dire, ma chérie, que nous nous enorgueillons de ces petits manèges qui nous tiennent en vie, d'une manière ou d'une autre. Mais réellement, il n'y a pas de quoi nous orgueillir. J'ai traversé les premières années de ma vie comme le vent qui nous souffle dessus. Il me semble qu'il y a une tempête sur le monde, toi et moi sommes capables d'entendre le sifflement du vent dans nos oreilles, dit-il en lui déposant un baiser sur les lèvres. Elle rougit, mais en rougissant elle rit.

Si son père avait entendu ça, il serait parti. Si seulement tout s'était tendu et condensé un seul instant, le son émanant de la bouche du fils Sidoripare aurait atteint l'oreille de son père. A une telle distance, les opportunités de communication ne sont pas nombreuses.

Donc, disons que ce père a entendu.

Cela est bon pour lui de connaître les besoins de la terre. Car, après tout, chacun de nous émerge de l'infini turbulent ; et il est peu probable que des liens indiscutables puissent avoir été liés d'emblée entre nos personnes. Le père Sidoripare entend ça, pense alors à quelques petits pois qu'il pourrait ajouter dans son sauté de veau. Ravi d'un geste de la part de son gamin, il veut maintenant étendre les exigences : le fils doit rentrer chez eux.

- Faire mes devoirs ?

- Penses-tu...

- Nous ne voulons pas nous moquer de la vieille personne qui est avec vous. Pourtant, elle commence à dater, elle n'arrive plus qu'à être un automate. C'est à peine si nous l'entendons bien. La vieille personne est une petite personne, elle s'endort.

- Elle ne s'endormira jamais. Et si tel était le cas, ne pense-tu qu'il faille la célébrer, tant qu'il est encore temps ? Ne renonce à rien, fils. Le monde veut te gâter, et toi tu restes engoncé dans tes vieux réflexes.


Quelque chose pousse, se libère et s'adapte sans que personne n'en ait conscience. Dans peu de temps, il envahira tous les lieux ce vivant du vivant. Le vivant du vivant s'adapte pour détruire.

Encore,

Je vis pour vivre le bruit du secret.




vendredi 8 octobre 2010

lundi 4 octobre 2010

Lettres (2)

La domestication, la normalisation, ont finalement fonctionné sur moi, même si cela semble avoir mis plus de temps que pour la moyenne. « Je » est vaincu. Ce n'est pas arrivé tel ou tel jour, je ne m'en suis même pas aperçu. Aujourd'hui, je le réalise, dans un sursaut, ou parce que le processus est arrivé à son terme. La domestication opérée, je peux ouvrir des yeux indifférents sur le cauchemar qui nous est fait. Quelle blague que tout cela.
Vôtre,

Lettres (1)

Mon esprit est là mais mon âme a disparu.
Quelque chose a été tué en moi. Je n'existe plus tout à fait. Quelque chose n'est plus là mais quoi ? Je ne me reconnais pas. Mes écrits et actes passés sont ceux d'un étranger. Je n'ai aucun désir d'écrit ou d'acte futur. J'ai perdu ce qui m'anime. Pas seulement la fougue, le désir, la frustration, l'envie, mais quelque chose de plus, d'indéfinissable. Le sentiment de mon existence, d'avoir une histoire personnelle, avec des buts et rêves spécifiques, tout cela s'est envolé, et paraît au mieux futile, sinon grotesque.
Qui suis-je, et que vais-je faire ? Voilà tout mon problème.
Mon corps est identique, légèrement vieilli, mais mon âme a disparu. La retrouver, telle pourrait être une occupation. Je ne sais pas, je suis si perdu. Mais juste un pas après l'autre ne va pas me suffire, il me faudrait un sens, une joie, une psychologie, des flèches directionnelles à l'intérieur, du vent dans les veines, un souffle. Cela réveille quelque chose, une rivière souterraine.
Bises,