jeudi 20 novembre 2014

ULTRAVORTEX SAISON 1 Épisode 3 : Ouverture sur les roches, l’Art de la mémoire contre les caprices de la Nature


ULTRAVORTEX SAISON 1 Épisode 3
Ouverture sur les roches, l’Art de la mémoire contre les caprices de la Nature


« Le sens de mon existence est que la vie me pose une question. Ou, inversement, je suis moi-même une question posée au monde et je dois fournir ma réponse, sinon j'en suis réduit à la réponse que me donnera le monde. »
Carl Gustav Jung


L’expertise du drame occupait des dizaines de techniciens, policiers, secouristes, pompiers, dans le fatras de sombres roches éboulées et de troncs d’arbres éventrés. AL Zimmer venait de redescendre de la scène du crime, accompagné d’un embrasement interne analogue à celui d’un alchimiste venant de découvrir quelque codex disparu à la jointure entre deux siècles.


Observation du travail de fourmi de ses collègues, figé comme à son habitude dans le rôle d’une statue d'apollon le soir de la chute de Rome, des flammes traversaient le rideau impénétrable de la pluie, Zimmer faisait face, en pleine disparition de ses moyens, à son sosie en catimini, une histoire qu’il ne connaissait que trop bien, son propre héritage.


À rebours des origines, un vecteur le poussait depuis le passé, tout en semblant le tirer depuis le futur. Une lumière gisait au début du tunnel.


Un meurtre, selon toute vraisemblance. Et une profanation, ou deux, agencées en une énigme inquiétante. Les hypothèses ne manqueraient pas, entraînant leurs lots de réflexions tordues et d’extrapolations malsaines de la part de commentateurs sadiques, toujours à l’affût des suprêmes délectations de la souffrance, figurant un tableau bien plus répugnant encore que la manière dont les cadavres furent agencés là-haut.


Vision superposée parcours guidé émeutes et boucliers de forces spéciales sous les flammes.
Troisième organe.
Insensible.
Fatal.
Bruit rose.


La véritable enquête ne démarrerait que plus tard, en décalage, lorsque l'enquêteur tiendra en main toutes les pièces connues du puzzle, à l’abri de l’excitation des lieux et des caprices du climat. Al Zimmer n’allait pas seulement se lancer à la recherche d’un criminel, un joueur encore inconnu l’attendait quelque part, un adversaire qui s’était bien bien gardé de signer son coup, et des ennemis plus redoutables restaient tapis dans l’ombre, attendant leur heure, des arcanes, des chaos dans la marche du temps, une catastrophe primale dont les échos disséminaient dans ce monde un cortège de catastrophes avec une régularité inquiétante.


Les conditions n’étaient pas toutes réunies. Comment philosopher avec une arme de poing, un fusil d'assaut et un pied de biche ?


Les conditions dans lesquelles s’étaient déroulées ce meurtre possédaient toutes les caractéristiques d’une réplique de la Chute, ce désastre qui avait frappé la Zone il y a neuf ans jour pour jour, à quelques lieues de là, et dont les traces ne disparaîtraient jamais ; la montagne éventrée était visible depuis la sortie du village.


Le genre de jeu où il est impossible d’effectuer une sauvegarde. Zimmer et sa fascination morbide pour l'occupation constante du cortex par l'information, l’éternel retour d’une reddition provisoire face à l'inévitable.


Les flics du secteur laissèrent leur place aux spécialistes, non sans soulagement. Les premiers flics étaient arrivés sur les lieux au point du jour. Une grande journée les attendait avec l’organisation des commémorations. A l’arrivée du premier flic, les oiseaux chantaient avec une ferveur retrouvée, profitant d’un véritable lever de soleil pour hâter leur parade amoureuse, un moment de délicieuse accalmie avant que la pluie ne reprenne ses droits.


Un éclair d’autant plus assourdissant que la fenêtre de la chambre était ouverte - l’écran du réveil affichait 3h19. Un violent orange s’en suivit, souvenir de réveil récurrent, dont un à 4h04 - sommeil non trouvé.


Déjà, le vent soufflait par bourrasques décousues, et une nuée de nimbostratus assombrissait l’horizon. Le retour des intempéries ne tarderait pas à freiner l’ardeur des collègues de Zimmer et les lieux retrouveraient leur éclairage coupable.


Lorsque la balle traverse votre crâne, c'est - avant toute autre considération - que votre tête se présentait sur la trajectoire.


Les techniciens tentaient de protéger les deux corps avec une toile de tente mais la pluie avait déjà fait son oeuvre. Aucun indice ne semblait avoir résisté à la tempête, comme aspirés par le glissement de terrain.


Journal intime, page 7 : Il faut se méfier des mots. Malgré l’apparente incohérence des faits, tout devait faire sens.


Zimmer calculait, fixe dans l’agitation, les neurones en ébullition, les turbulences refroidies par le claquement des premières gouttes de pluie sur son crâne dégarni. Il quitta l’endroit en traversant un petit groupe de maîtres-chiens de la Sécurité Civile équipés de pitbulls bioniques.


Face à l'abîme, le silence était devenu sa seule et unique arme


Bien qu’il n’y ai aucune victime à dénombrer dans l'effondrement du monticule rocheux, les hommes en orange restaient là, stupéfaits, en attendant qu’une idée filtre dans leur conscience : que faisait la dépouille de leur collègue - et ami pour certains - sur la pierre la plus haute de l’ensemble, alors qu’il était mort et enterré depuis presque deux ans déjà ?


« Je vous épargne mon premier diagnostic qui, bien que secret, ne vous apporterait aucune réponse. Je vais faire court et synthétique. Votre histoire est quelque peu alambiquée, mais je… du jamais vu dans la littérature médicale, voulais-je dire. Tout ceci m’a l’air bien étrange, j’ai été diligenté en urgence par une officine de la Défense dont je ne connais pas le nom exact pour rejoindre l'hôpital, sans préavis, vous voilà avec toutes les cartes en main… maintenant… si vous le voulez bien… »


En dehors de cet ersatz d’interprétation, il ne subsistait que la prévarication dans le cadre de la morale, pour reprendre un terme à la mode chez ses futurs suspects, bien que la morale et l’éthique ne soient qu’un masque derrière se cache la norme sociale. Les personnages de ses enquêtes ne choisissaient jamais le bien ou le mal que par choix esthétique, n’étaient ni bons ni mauvais, ils évoluaient toujours en marge des normes, dans une zone grise plus ou moins contrôlée par la Justice, la Police et l’homme de la rue. Dans cette interzone mouvante où les hommes ne cherchaient pas tant à se sauver qu'acquérir plus de pouvoir. La Technique ne rendait pas la société plus violente ou plus déshumanisée. Elle fixait les rapports humains dans le  fonctionnalisme, l’homme n’était pas un loup pour l’homme, juste un outil de la Nature. Le vulgaire support biologique d’un réseau de conscience bien plus étendu qu’il ne voulait bien le montrer. Cette idée travaillait Zimmer depuis des années, c’était d’ailleurs son fond de commerce, il n’aimait pas vraiment les histoires sombres, encore moins les clairs-obscurs, se complaisait dans le rôle d’inquisiteur en nuances de gris, et pourtant, face au Joueur Blanc, il ne voyait d’autre issue que d’embrasser le rôle du Joueur Noir. Inspirant l’humeur fraîchement sortie de terre, s’inspirant du réseau d’enquêteurs à l’oeuvre sur le chaos rocheux, Zimmer griffonna quelques mots venus d’ailleurs sur son carnet de poche.


je ne suis rien
juste une parcelle de conscience dans (...)
j'ai créé un monstre
je dois mourir
quand il sera mort
je serai immortel
vivant comme un mort (…) qui ne peut plus mourir


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