vendredi 21 février 2014

Un cancer en Picardie - Chapitre 2 sur 5

 
Autostop / induction : message humoristique sur une pancarte “JE VAIS OU TU M'EMMÈNE”. Dans la voiture / OPEL Corsa d’un jeune homme avec un A sur le cul / A comme amateur / anonyme / asocial / asperger / albatros / INDUCTION OK : même position, même attitude, analyse du discours VAKOG : c’est dans la poche méthode de proto-hypnose approuvée / j’lui raconte comment j’ai perdu mon permis, j’suis à pied, pas évident pour un curé et j’suis bien déçu de ne plus pouvoir terroriser la population à bord de ma 406 flammes / Détail de la pénétration dans la zone industrielle commerciale : slogans - pubs - automobilistes - zombies - employés - pubs - zombies - alimentation - zombies - slogans - à la fin j’aurais pu l’emmener où je veux. Donovan (le conducteur) était un peu pressé par le temps mais ce n’est plus un problème car il va me déposer en plein centre ville avec un petit détour de 5 kilomètres rien que pour moi parce que je suis un bon type à qui on donnerait le bon dieu sans confession. Il me dépose… juste devant la maison de tata. J'ai juste été boire l'apéro gentillement chez Tata.
 
Putain d'un seul coup d'un seul je vois la bouteille de Chivas Regal 12 ans d’âge presque sur le cul (déjà bu la moitié) je me dis que ce serait cruel de la laisser souffrir et hop je l'encule en quelques verres (je me souviens qu'il y avait Saddam Hussein Bolt à la télé pour le 100 mètres en baskets), après ma tante me dis « tu vas manger là ? » OUI ! Et elle me demande si je veux boire un canon (du vin en picard) je lui réponds (bafouille serait le terme exact) si t'en bois oui pourquoi pas ! Quel connard je fais je sais bien qu'elle n'en boira qu'un verre ou deux et hop ravagée la bouteille de rouge heureusement mon patron est en vacances je sais pas trop ce que je vais faire au boulot aujourd'hui je vais quand même essayer d'aller chier avant de partir parce que sinon ça va pas le faire j'aurais bien aimé me branler mais ça va me filer mal au crane. MAIS NON ! C’était une blague - caméra caché : SURPRISE SUR PRISE : Hey Marcel Béliveau tu peux sortir de dessous la table j’ai pas de boulot pas de patron, soit loué le RSA (Revenu Salutaire des Abrutis). Que DIEU me pardonne je suis complètement bourré. A tiens voila le patron ! Le patron des chômeurs wé j’l’ai déjà vu celui là, je le vois toujours sur le boulevard, veste classe années 80 chaussures de villes chaussettes blanches, cigarillos à la main faussement désinvolte marchant les bras écartés comme un vrai patron. 50 ans de bistrot ça forme un homme. 5 ans de cancer ça lui fera la bite. Quel genre d'homme est capable de coller un autocollant "flamme" sur une Xantia ? De prime abord on pourrait chercher une structure mentale complexe à l'origine de cet acte, mais c'est tout tracé : c'est le bien ce genre de bon citoyen qui vote FN en vous expliquant la situation de la France en une seule phrase en passant de la délinquance au chômeurs aux radars sur la route pour finir par vous dire que tout le monde est d'accord avec lui mais que le problème c'est que les gens comme lui sont assimilés à Hitler et ça c'est pas cool quand tu votes FN. Ha oui ! Il saurait quoi faire de la France s'il était au pouvoir, tout serait serait réglé vite fait bien fait avec lui, il se demande bien pourquoi les gens ne descendent pas dans la rue - et le samedi il oublie tout en poussant son caddie au rayon des croquettes pour chiens à Auchan. Malgré tout, il est sympa, dupe mais sympa, et il fait de belles imitations de Donald Duck pour faire rigoler les enfants.
 
Dans cette ville j’avais eu un boulot fut un temps. Mon patron dit : “de la pub toujours de la pub” - je n’ai aucune idée de ce que je fais ici - je suis à vous madame, dit-il. Tes vacances connard j’en ai rien à foutre c’est de l’hypnose. J’ai tout de suite vu que tu étais un olfactif-kinestésique. Qu’est ce qui m’empêche au fond de pousser cette porte ? Je fais, je marche, je ceci, je cela, c’est un, c’est la, c’est quoi ? le moment où Il a fait ci. Il a fait ça. Il a fait ci. Il a fait ceci. Il a fait cela. Il a dit, dit-il. Le personnage évolue dans un mauvais roman. Dans la mauvaise histoire. Il s’est trompé de page. L’auteur ne prend même pas la peine de, de quoi au juste ? Il n’a pas le temps, il est en train de, il est tringueballer, il est en train de dérailler, je suis en train, le coeur plein d’entrain, en train de quoi ? en gare d’Avoue répondra à coup sur le poète surréaliste (écrivain estampillé Facebook, c’est écrit sur son profil, pas sur sa face, t’es encore là… dégage ! Le tabou du jour : rêver que tout parte en couille autour de soi, que tout s'effondre sur le plan personnel, perdre sa famille, voir ses proches agoniser dans un accident brutal, perdre son travail comme une merde pour faute grave sans possibilité d’indemnités assedics, sentir l’odeur de ses biens matériels volant en fumée dans l’incendie de sa maison, et si possible : le tout dans la même semaine, pour le plaisir de se dissoudre et de recommencer à zéro.
 
Adaptation à l’environnement. Psychoflexibilité à son maximum. La ville s’appelle LAON, comme FAON ou comme PAON, ici tout est lent. Pleine journée : des parkings et des trottoirs plein de voitures, des rues aussi vides que la campagne, ici pas besoin de placer des caméras de surveillance il ne se passe jamais rien. Personne dans les rues, personne dans les boutiques, que font tous ces gens ? Trouver un boulot c’est se bunkeriser s’enfermer dans une petite boîte ici tout est lent lent lent on voudrait faire sauter une bombe que personne ne s’en rendrait compte. La butte pourrait s’effondrer sur elle même que tout les habitants continueraient à faire leurs courses à Carrefour s’en s’inquiéter. Laon est une ville sans centre. Le centre historique est bâti sur une butte avec une cathédrale et tout un dédale de petites rues du moyen âge et des putains de remparts qui pourraient résister à une guerre nucléaire (...) Une butte en forme de boomerang sortant de terre sur laquelle, j’imagine, des druides opéraient déjà des sacrifices dans l’ancien temps. Aujourd’hui la ville médiévale est devenu un musée à ciel ouvert et chacun des nombreux quartiers de la ville a développé son propre centre comme sur un modèle fractale, mais demandez-vous à un passant où est le centre - allez-y doucement le laonnois est plutôt farouche - il va s’embrouiller dans son délire, personne ne veux voir que les véritables centres de la ville sont les centre commerciaux. Carrefour direction Paris, avec son Conforama, son Bricorama, son Norauto et son Mc Donald - et Leclerc direction la Belgique avec son But, son Monsieur Bricolage, son Feu Vert et son Mac Donald. Se balader avec un caddie est devenu un sport national. Des livreurs de pizzas partout, à tous les coins de rue, bientôt il sera possible de manger une pizza n’importe où, le livreur viendra vous chercher et vous fera dégusterez votre 4 fromages sur un scooter en même temps qu’une visite guidée de la ville. Monter les marches, compter les marches, 295 marches au total je les ai compter une par une… Les tours de la cathédrale dans la brume, toute la butte dans le flou, juste un îlot de foret touche le ciel, il faut monter, monter le plus haut.
 
Jour de pluie sans interruption, visite le musée à ciel ouvert, même pas un temps à sortir un touriste anglais. Me réfugie dans la cathédrale. C’est ici qu’eut lieu le dernier acte poétique qu’ait connu cette ville en 1974 lorsque Philippe Petit marcha d’une tour à l’autre de la cathédrale sur un fil d’acier ; avant de s’attaquer à la jonction des deux tours jumelles du World Trade Center. Quand je débarque en ville j’ai toujours l’habitude de m’habiller en curé - je possède toute une panoplie de costumes religieux pour tous les offices - j’en ai acheté un stock complet à l’Emmaüs. Ici on me donne du mon Père, je donne du mon Fils, le monde me regarde assez bizarrement mais au moins je sais très bien ce qu’ils pensent de moi, jeune prêtre défroqué, j’ai le temps de faire diversion, de la mère de famille au clochard, tout le monde craint autant mes paroles que mes silences. Mais je reste seul. Seul à la ville comme à la campagne. Le lieu n’est même pas trop grand pour moi, pourtant la voûte doit culminer à 10 mètres, 20, 30, 40 mètres je n’ai aucune idée des mesures et des proportions… je m’installe dans une sorte de petite chapelle sans statue. Me pose pour sécher ma robe de bure, juste un autel de pierre. La tête de l’autel est recouverte d’une tapisserie de sorte qu’on la croirait affublée d’un chapeau de magicien à la Zaratousthra. La pluie claque contre les vitraux, je me repose, médite, fixe un carré contenant un carré contenant lui même une forme géométrique. Tout le mystère de cette chapelle se dévoile quand la croix semble fendre l’espace en deux coups de lame dans l’espace - un coup de l’âme dans les réalités adjacentes à la mienne semble être feuilleté par une main invisible. Je n’en ai qu’un aperçu, suffisant pour me faire une idée du lieu, cette montagne a toujours été couronnée par des lieux de culte, païens ou chrétien, un jour le Lug gaulois, un jour Jesus de Nazareth, demain… la montagne est le lieu où les dieux donnent rendez-vous aux hommes. Je n’étais pas si mal tombé que cela, bien que fusse tombé bien profond dans la lose. Eclaircie : la lumière s’engouffre dans l’édifice et efface peu à peu la croix vibrante. L’inspiration m’avait frappée, s’il y avait un peu de public dans cette cathédrale j’improviserais une petite cérémonie à la gloire d’Isis, Vierge Noire venue de la nuit des temps travestie en Sainte Vierge. J’allais continuer mon existence en autopilote. Pilote automatique. Réveille toi, on est arrivé, emmène moi où tu veux je te fais confiance. Assis sur un banc face à la maison d’un retraité qui nettoie sa barrière, je raconte à mon voisin d'alcoolisation qu’il s’agit d’un type de la mairie qui est payé uniquement pour entretenir la maison et les barrières. Garde barrière, il travaille au service des bâtiments de France, il perpétue l’histoire des premiers chemins de fer français, quand un chinois a ramené des indiens dans la région à l’époque du far west pour poser les rails, il ne me croit pas mais dans les westerns a- t-il déjà vu un chinois se battre ? Non : le chinois s’occupe du chemin de fer. Voila c’est compris… la maison est transformé en musée avec l’indien empaillé qui se dandine dans un rocking-chair motorisé, les barrières restent en mémoire de cette grande époque, il y a même un petit monument, quelques pierres en cercle avec un rosier rachitique qui tente de protéger ses feuilles des nuits froides, la légende veut qu’un cowboy soit enterré là-dessous, c’est le genre d’histoire qu’on raconte au Buffalo Grill. On m'a emmené une fois là dedans, j'ai cru que c'était un congrès du Crédit Agricole, que des connards en costumes Celio et la direction qui passe NRJ à fond pour te faire oublier le goût du steack certifié rupture de la chaîne du froid. J'avais demandé à la serveuse pourquoi il y avait des indiens et des cowboys dans la déco mais pas le chinois qui s'occupe du chemin de fer, elle m'a répondue que l'on ne faisait pas de sushis chez eux. 


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